jeudi 24 juillet 2008

Seriez-vous un personnage de roman ?



Le texte suivant nous est proposé par Djibril, à Florac (48).
©blue1987tail
"Elle avait un beau cul.
Je l’avais rencontrée il y a quelques années, je marchais dans la rue, assez vite parce que la matinée était fraîche, pour me réchauffer, tout en rêvassant comme à mon habitude. Elle avait débouché d’une ruelle, devant moi à une vingtaine de mètres, marchant dans le même sens, et mon attention avait été instantanément captée par sa démarche chaloupée. J’avais accéléré le pas légèrement afin de réduire la distance qui me séparait de la fille, pas trop vite cependant, pour ne pas la dépasser et mettre ainsi fin prématurément à ma contemplation admirative. Etrangement, je n’éprouvais aucune gêne, aucun trouble, du moins aucun trouble suspect et malsain, car, à bien y réfléchir, la beauté a toujours, comme par essence, quelque chose de troublant. Ce peut être à l’occasion d’une marche en montagne, d’une tempête sur la mer, peut être aussi la découverte d’un visage, d’un sourire, d’une intelligence, que se produit cette émotion essentielle, que l’on pourrait qualifier d’artistique ou de mystique, et qui vous fait sortir un instant de la grisaille de la vie. Ce peut être aussi, et ce fut mon cas en l’occurrence, la rencontre avec la perfection matérialisée par une divine paire de fesses.
Je la dépassais finalement. Je ne lui avais pas parlé, je ne connaissais pas le son de sa voix, ni qui elle était, ni son prénom, ni son visage, je ne savais qu’une chose : j’étais amoureux.

Xavier posa son stylo, alluma une cigarette et jeta un coup d’œil sur les quelques phrases qu’il venait d’écrire. Il pensa demander à sa femme de lui préparer une tasse de café mais se rappela qu’elle était partie chez sa mère, à Paris, il faudrait qu’il lui téléphone, bien sûr il va devoir se coltiner la belle mère pendant au moins un bon quart d’heure avant qu’elle ne lui demande : « Je te passe Jacqueline ? tu veux lui parler ? » et qu’il lui réponde : « Oui Mamie, merci, j’ai été content de t’entendre » tout en pensant « Bien sur pétasse, à qui crois tu que je téléphone, qu’est-ce que tu crois que j’en ai à foutre des bobos de ton petit chien mal élevé, c’est à ma femme que je veux parler » , tout cela en calculant mentalement le prix de quinze minutes de communication sur France Telecom.
Finalement, son brouillon, dans la mesure ou ce n’était qu’un brouillon, lui parut acceptable. L’important, pensa t-il, était de faire comprendre que Nadine avait un beau cul et cet objectif semblait atteint, il faudrait qu’un lecteur soit particulièrement débile pour ne pas le comprendre, en fait il faudrait qu’il ne sache pas lire, d’ailleurs c’est écrit en toutes lettres dès la première phrase, il n’avait pas tourné autour du pot, « Elle avait un beau cul » (et non pas Nadine avait… car à la fin le narrateur ne sait rien sur la belle inconnue à part le fait qu’elle est l’heureuse propriétaire d’un magnifique postérieur). Mais ce n’est pas tout de dire, il faut montrer, suggérer est insuffisant, il faut décrire ce cul, en quoi est il si exceptionnel ? en quoi est-il mis en relief par cette démarche « chaloupée ». Enfin bref « peut mieux faire ». Et que portait-elle ? Une robe ou un pantalon moulant ? La digression pseudo-philosophique sur la nature troublante de la beauté est intéressante mais en a t’il tiré tout le profit possible ?
Il relut une deuxième fois son texte, tout compte fait, il n’était pas si mécontent. Il décida au passage que la fille s’appellerait Nadine, sans trop savoir pourquoi, il trouvait que Nadine, c’est un prénom à avoir un beau cul. Quant à son personnage masculin, son prénom restait à décider.
Il avait l’intention d’écrire un peu dans l’après midi, et comme il sentait que son stylo était en phase terminale il décida de passer à la librairie et d’en profiter pour acheter ses Marlboro.

- Vous vous intéressez au septième art ?
Xavier ne l’avait pas vu approcher et se sentit un peu gêné.
Il avait respecté la procédure habituelle, déambuler dans les allées de la librairie, feuilleter quelques revues, feindre de l’intérêt pour les frasques amoureuses de Carla et Nicolas, prendre Libé ou Le Monde diplomatique, statut d’intello oblige, et s’approcher insensiblement du rayon ou se trouvent les DVD porno de façon à l’atteindre à un moment où il y serait seul et pourrait ainsi faire son choix en toute tranquillité sans sentir peser sur lui de regard réprobateur.
« Vous vous intéressez au septième art ? »
Elle le regardait en souriant, légèrement moqueuse mais sans méchanceté, et il crut même déceler comme une connivence amusée. Il se surprit à répondre :
Disons que je m’intéresse au septième ciel.
Elle sourit à nouveau. Il aurait bien aimé faire durer la conversation mais ne trouva rien à dire, comme souvent en de telles circonstances, réussit tout de même à lui sourire. C’est elle qui poursuivit :
«- Vous ne semblez pas me reconnaître ?
-Il me semble vous avoir croisée mais où et quand ? dans une soirée peut-être ? Rappelez-moi votre prénom ?
- Je m’appelle Nadine, j’étais à l’anniversaire d’Isabelle samedi.
- C’est un beau prénom !
- C’est vous qui l’avez choisi !
- Je ne comprends pas !
- Etes-vous bien certain de ne pas comprendre ?
- Seriez-vous un personnage de roman ? »
En guise de réponse, elle lui adressa un nouveau sourire. Bien que troublé à l’extrême, Xavier eut la présence d’esprit de l’informer qu’il avait l’intention d’inviter Isabelle pour la remercier de sa soirée, et que ce serait un plaisir pour lui si elle acceptait de faire partie des convives. Elle accepta. Et un nouveau sourire l’illumina.

Extrait du journal de Xavier
Mercredi 3 mars.
Cinquième journée sans Jacqueline, partie chez sa mère à Paris. On se téléphone tous les deux jours. Elle compte rester à Paris plus longtemps que prévu, et peut être même se rendront elles toutes les deux dans la maison de Normandie.

Pris rendez-vous chez le garagiste pour le 11 mars. Ne pas oublier cette fois ci.

Rencontre étonnante à la librairie. Elle est grande, trois ou quatre centimètres de plus que moi. Cheveux noirs. Dégaine sportive. Une belle plante, dans les quarante ans. Je ne l’ai pas reconnue, elle était chez Isa pourtant, je devais avoir l’air con. Je reçois des copains samedi. Elle en sera.

J’ai écrit ce matin. Cela avance un peu. C’est l’histoire d’une fille. Elle est belle bien sûr, tant qu’à faire, autant que ça ne soit pas un boudin, ça ne mange pas de pain après tout. Elle s’appelle Nadine, quand je vous dis que ça avance. Doucement certes, trop doucement, ce n’est pas si facile d’écrire.

Rencontré aussi Caroline devant la boulangerie, elle avait une triste mine la pauvre, il faut dire que l’un de ses chats est mort. Dans ces cas là on ne sait pas trop quoi dire, je ne suis pas trop doué pour les condoléances et les paroles de réconfort. Je suis bien triste pour elle. Enfin, il lui reste quand même ses deux chiens, son âne et les autres chats.

Je n’ai pas pu écrire cet après-midi. Je crois que la fille rencontrée ce matin à la librairie m’a un peu troublé. Le fait surtout qu’elle s’appelle Nadine, comme mon héroïne. Et surtout aussi cette étrange réponse qu’elle m’a faite, je l’entends encore : « C’est vous qui l’avez choisi ! » et ma question instantanée et non réfléchie « Seriez vous un personnage de roman ? » Il est vrai qu’elle n’a pas répondu, ce qui est logique, on ne répond pas à une question qui n’a pas de sens, qui a peut-être un sens pour moi mais ne peut pas en avoir pour elle, puisqu’elle ne sait pas que j’écris l’histoire d’une Nadine. Elle n’a pas répondu. Mais elle a souri et cela tenait lieu de réponse, de réponse énigmatique à tout le moins, d’autant qu’il y avait dans ce sourire quelque chose de délicieusement narquois et taquin, de mystérieux même.
Me voilà avec deux Nadine dans la tête. L’une est fictive et l’autre tout ce qu’il a de plus réelle. L’une avec un beau cul et l’autre avec un redoutable sourire. Réel, fictif, fictif, réel oh la la ! Xavier, arrête avec cette psychophilosophie fumeuse. C’est seulement un bloc note ici, un simple journal, tu n’es pas en train d’écrire une thèse de doctorat. Redescends sur terre et n’oublie pas, jeudi prochain rendez vous chez le garagiste. Et n’oublie pas d’y aller avec la voiture.

Passer aussi chez le boucher (collier d’agneau pour le couscous de samedi."

mardi 8 juillet 2008

Une malle aux trésors attend vos créations !


©Sesé

Venez fêter avec nous le 130e anniversaire du voyage de Stevenson en Cévennes et remplir de vos écrits, collages et créations diverses, la malle aux trésors créée par l’association des Amis de la bibliothèque de Florac autour de l’œuvre de R.L. Stevenson.

Un atelier d'écriture-lecture (jeux littéraires, lettres à Stevenson, etc.) pour tout public (adultes, enfants, ados) aura lieu le mercredi 23 juillet 2008 à partir de15h et jusqu'à 18 h, animé par les Ateliers du déluge. Rendez-vous à la Bibliothèque de Florac, avenue Jean Monestier.

Cette malle reste exposée durant tout l'été dans la vitrine de l'office de tourisme de Florac puis elle suivra le chemin de la rando-fête sur l'itinéraire de Stevenson.