jeudi 18 septembre 2008

Un banc pour écrire…



Illustration ©Marc Guerra

Les prochains rendez-vous d'écriture auront lieu à Barre-des-Cévennes, dans le local dit "Le banc". L'association Barre parallèle nous offre son décor, une jolie petite bibliothèque associative, pour écrire en groupe et partager nos textes.

Les ateliers se dérouleront tous les 1ers et 3e mardis du mois à partir du 7 octobre.
Le tarif est de 20 €/mois, ou 5 €/1h30.

Le groupe est limité à 8 personnes. Merci de vous inscrire auprès de :

Marlen au 04 66 44 07 82.

Ecrire en atelier


©M.Guerra

Pourquoi écrit-on ? Pour qui ? Pour soi, souvent, jusqu'au jour où l'on éprouve le besoin de confronter son écriture à l'écoute des autres. On se dit "pourquoi pas ?" et dans le même instant, "à quoi bon ?". C'est là qu'il faut franchir le pas et s'aventurer à écrire en groupe ! Car rien n'est plus libérateur que de partager ses questionnements, ses hésitations, ses doutes mais aussi ses moments de grâce.

Il y a bien sûr ceux qui n'écrivent pas et qui aimeraient écrire, qui se disent fâchés avec l'écrit, avec la lecture, avec l'orthographe, leur imaginaire, que sais-je. Et qui pourtant sont titillés par cette envie de dire sur le papier… Première chose à savoir : le jugement n'a pas sa place en atelier. Deuxième chose : personne n'est obligé de lire ses textes. Chacun y vient avec le temps, à son rythme, selon son assurance, et c'est cela que favorise l'écriture en groupe.

Comment se déroule un atelier ?

Il commence par une suggestion d'écriture éclairée par la lecture de plusieurs textes d'écrivains, se poursuit avec un temps d'écriture, puis est suivi de la lecture des textes à haute voix. Aux commentaires des participants se conjuguent les retours de l'animateur sur les pistes à explorer, éventuellement. Car écouter les autres, commenter leurs textes, comprendre aussi comment nos propres écrits résonnent pour d'autres, c'est apprivoiser son écriture, c'est aussi devenir un meilleur lecteur.

Les propositions d'écriture concernent la mémoire, l'écriture de soi, l'autobiographie, certes, mais aussi la fiction ; elles se situent souvent au croisement du réel, de la mémoire et de l'imaginaire.
Marlen Sauvage

mardi 12 août 2008

Cimetière, par Djibril Bousquet


©misskylie77

J’ai fini par trouver la tombe. Lucien Buridon 1920-1993.
Mon père est là ou du moins ce qu’il peut en rester après quelques années de décomposition, à six pieds sous terre comme l’on dit. Je ne viens plus très souvent à Paris et c’est un rite pour moi à chacun de ces voyages de consacrer au moins une demi-journée à la visite du Père Lachaise. C’était pour moi un endroit de prédilection quand j’étais étudiant et que j’habitais dans le quatorzième arrondissement. Décemment je ne peux pas passer ici sans le voir le padre et lui dire, avec tout le respect que je lui dois, que j’en ai toujours aussi gros sur la patate. Oui papa, c’est une riche idée que tu as eue de mourir et de me lâcher les baskets, même si tu aurais pu le faire plus tôt, mais enfin mieux vaut tard que jamais. Tout de même tu aurais pu te choisir un autre cimetière, mais peut être ne savais-tu pas, je veux bien te laisser le bénéfice du doute, peut être ne savais-tu pas qu’ici c’était un de mes lieux de promenade, de méditation, de ressourcement. Ici j’ai commencé à vivre, ici j’ai pu me débarrasser de ton souvenir, j’ai appris à respirer enfin. Alors comment oses-tu encombrer ce lieu, qui est celui de ma libération, de ta carcasse nauséabonde et malfaisante ? De quel droit m’imposes-tu cette présence ? Comment envisager encore, comme j’en avais caressé le rêve, de me faire enterrer ici un jour ? Il me plaisait alors d’envisager la mort comme une continuation de la vie, une vie plus heureuse c’est-à-dire pour moi, une vie sans père. Car pour moi vois-tu la définition du bonheur, c’est l’absence de la souffrance, du malheur et mon malheur, c’est toi. Tu n’as fait qu’une chose pour moi, un seul geste que j’ai eu la naïveté de prendre pour de l’amour, c’est d’attraper un cancer et de crever et de disparaître de ma vue. Mais ce n’était que pour revenir me narguer dans cet endroit.
Enfin, puisque tu es là, restes-y, et essaye simplement de te faire le plus petit, le plus discret possible, si ce n’est pas trop te demander, mon cher papa.
Oui, voilà ce que j’ai l’intention de lui dire.
Peut-être que dans un deuxième temps, mais dans un deuxième temps seulement, peut-être, enfin probablement, sûrement, à coup sûr, j’inverserai la tonalité de mon discours. J’amorcerai le virage par une considération philosophique, j’invoquerai par exemple le lien ténu, même pas l’épaisseur d’un cheveu, qui existe entre la haine et l’amour. Et pendant que j’y serai, car pourquoi faire les choses à moitié ? je me fendrai de quelques larmes, ce ne sera pas difficile, il suffira de me mettre en condition, j’y suis parvenu lors de ma dernière visite.
Il est donc là devant moi, à mes pieds et il est temps maintenant de commencer mon petit cinéma.
Mais je n’éprouve que de l’indifférence, qu’un ennui profond. Alors je m’en vais. Qu’il continue tranquillement à pourrir, moi j’ai ma promenade à faire. Je m’immobilise subitement après quelques pas. Tout de même, j’aurais pu dire au revoir ou adieu, la politesse ça existe ! A côté de moi, il y a un pot de fleurs sur une tombe. Il y a une photo aussi. Le type est souriant. Il a l’air heureux. Pas le genre ténébreux ou rancunier. Une tête sympathique vraiment. Il y a des gens heureux, ils ont ce don, leur bonne humeur est communicative et rien qu’à les regarder on se sent meilleur. Il a une tête à rendre service. “ Je peux te taxer une fleur ? c’est pour mon père.” Il me semble que le sourire sur la photo s’est accentué. Je me sers et j’apporte la fleur à papa.



J’aperçois un corbillard et un groupe de personnes. J’ai de la chance, je vais assister à un enterrement, excellent pour me mettre dans l’ambiance avant ma promenade. Ce que j’aime bien dans les cimetières c’est que les spectacles sont gratuits. Je m’approche pour mieux observer, sans toutefois me joindre au groupe des amis et de la famille, par discrétion mais aussi parce que je suis intimidé par les dimensions du caveau. Visiblement on est ici dans un quartier rupin et ce n’est pas un SDF que l’on accompagne à sa dernière demeure.
Le discours est nul, ça commence mal. C’était un homme dont les qualités humaines et professionnelles étcétéra, c’était un ami attentionné et dévoué blablabla, Jean, tu resteras à jamais pour nous tous l’exemple parfait d’un homme qui patatipatata…
En plus il n’y a même pas de curé, pas de lecture de psaume biblique, moi j’aime bien les psaumes glorifiant L’Eternel qui nous guide en de verts pâturages. Franchement je suis déçu et les gens aussi semblent s’ennuyer ferme, et je me demande l’intérêt qu’il y a à avoir de la thune si c’est pour avoir un enterrement aussi nul. Mais puisque le spectacle est gratuit, rien ne m’autorise à faire une réclamation.
Pas de curé mais pas de veuve éplorée non plus. Pourtant la veuve éplorée est un des éléments clefs d’un enterrement réussi. Elle a vingt ans de moins que son regretté mari. Elle est catholique. Elle porte une robe noire moulante qui galbe des formes généreuses et une petite croix qui nous rappelle les souffrances qu’a endurées pour nos péchés notre seigneur Jésus-Christ, tout en mettant en valeur des seins d’une rondeur parfaite. Elle porte enfin, et c’est essentiel, un crêpe noir transparent pour couvrir sans le cacher un visage ou peut se lire sa dignité dans l’épreuve et une bouche qui suggère combien douces et expertes étaient les fellations que par amour elle prodiguait à son mari avant que le destin ne les sépare cruellement.
Je n’assiste pas à la fin de la cérémonie. De toute façon, les gens regardent leurs montres et il est probable qu’ils vont bâcler la mise en terre. C’est bien dommage car cela peut être intéressant, ce peut être un moment de grande émotion.
Normalement la veuve doit s’évanouir et un monsieur doit se précipiter pour la rattraper à temps et palper par inadvertance la douceur de ses fesses sous le tissu soyeux de sa robe. Ce qui est impossible en l’occurrence puisqu’il n’y a pas de veuve.
Alors je quitte les lieux pour continuer ma promenade.

En écoutant les pierres… (suggestion d'écriture)


Le 4 août 2008, une balade-écriture nous a promenés sur le sentier de la Roquette, à Molezon (48), dans le vallon de Trabassac. En écoutant les pierres, en se remémorant les légendes du temps des Camisards et de la terrible guerre qui se déroula dans ces montagnes et dont le château de la Devèze est encore l’illustre témoin, les esprits se sont débridés, l’imaginaire de chacun a caracolé à la recherche de la vérité concernant la jeune Thérèse d’Arnal, jeune fille catholique massacrée comme toute sa famille un jour de juillet 1704. Voici quelques-uns des récits qui nous ont été confiés, tels que rédigés en atelier, durant une demi-heure environ. Ils répondent à une suggestion d’écriture concernant le point de vue.
©DR

Si c'est pas dommage, par Marthe Janssen


Les deux textes suivants sont restitués tels que rédigés en atelier, durant une demi-heure environ. Ils répondent à la troisième suggestion d’écriture (travail de point de vue) proposée lors de l’atelier du 4 août, à La Roquette, Molezon (48).
©delphineR2M

Si c’est pas dommage, une belle jeune fille comme ça, si jolie, si jolie. Oh mais là, elle était pas bien belle à regarder !
Ça faisait quelques jours que les événements s’étaient passés. Personne n’osait sortir, vous pensez bien ! Entre les camisards qu’on disait assoiffés de sang, et les gens d’armes qui tiraient sur tout ce qui avait deux jambes, il faisait pas bon mettre le nez dehors ! Moi, au bout d’une semaine, j’en pouvais plus de rester terré avec la Jeanne. Et puis je voulais manger autre chose que des châtaignes ! Faut dire qu’y a pas meilleur que moi pour ce qui est de poser des pièges et je pensais à tout ce beau gibier qui devait pourrir, ça me fendait le cœur. Alors au bout d’une semaine donc, je suis passé outre les protestations de ma femme, j’ai pris ma biasse et je suis sorti. Je suis remonté le long du vallon, j’étais pas bien rassuré mais j’avais faim, voyez-vous, et ça, ça donne des ailes comme qui dirait.
En contrebas du château, j’avais mes premiers pièges à relever, j’y courais presque ! Et là, j’ai pas bien compris d’abord ce que je voyais : dans les châtaigniers, sur les pierres, dans les bouscas, des taches blanches, je distinguais pas bien et puis j’ai vu ! C’étaient des chemises, des culottes, des caracos, des mouchoirs suspendus, déchirés mais reconnaissables quand même. On aurait dit que les arbres s’étaient habillés pour la circonstance.
Alors je l’ai vue, tournée face contre terre, elle était tombée juste à côté d’un collet, un lièvre y était pris. Du coup, ça faisait deux victimes qui avaient l’air de se parler dans la mort, elle, Thérèse qu’elle s’appelait, et le lièvre qui avait pas de nom.
Pour ce qui est du lièvre, je sais m’y prendre avec les collets, et pour sûr qu’il avait pas eu le temps de souffrir, clac d’un coup, en se débattant il était mort. Mais elle pour sûr, elle a dû se débattre aussi, mais elle est sans doute pas morte d’un coup : pensez donc, tomber sur une demi-douzaine de furieux, de la haine plein le cœur et les mains. Pauvre petite…
Il paraît qu’elle s’ensauvait pour rejoindre son promis plus bas dans la vallée, elle avait emproté son trousseau dans un baluchon. Son trousseau ! Des années à broder, et tout ça pour un fiancé qui ne la prendra jamais dans ses bras.

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Je ne veux plus dormir, plus jamais ! Chaque fois que je m’endors depuis cette nuit maudite, je revois tout en rêve, tous les détails et ses yeux et ses cris ! Non, non, je ne veux plus jamais dormir.
Je veux bien raconter une dernière fois, mais c’est pour m’en débarrasser et puis comme ça, vous saurez. Ce soir c’est décidé, je vais mourir, tout est dans la grotte derrière chez moi, la corde, le nœud, le tabouret. Moi je sers au château, ma famille est pas bien riche, alors ça fera une bouche de moins à nourrir. Mais ces messieurs-dames sont catholiques et pour servir chez eux, l’a fallu que j’abjure la mienne de foi. Mais quand on a faim…
Quand ils sont arrivés, les Camisards, ils ont mis le feu et pourchassé tout le monde à coups de fourches et de faux, et puis y’en a un qui m’a reconnu. « C’est le petit du Villaret » qu’il a dit. « Cest un des nôtres, pas vrai, petit ? ». Oui, j’ai dit oui, bien sûr que j’ai dit oui ! Et que les Darnal c’étaient des salauds ! C’était pas tant vrai, un peu hautains mais pas tant méchants. Enfin, il valait mieux que ce soit eux que moi, je pensais. Alors j’ai crié avec les autres, moi aussi, j’ai frappé avec une serpette qu’on m’avait mise en main.
Quand tout brûlait et que toute la maisonnée a été massacrée, on est parti, moi avec les autres, les pierres de la cour étaient toutes rougies comme quand c’est les mûres et qu’elles éclatent par terre, des tâches rouges, mais c’était du sang.
On a pris le sentier, on marchait en silence, comme si toute cette sauvagerie nous avait assommés. Et pouis le grand Sauveterre qu’a des yeux de rapace, il l’a vue, je sais pas comment parce qu’il faisait déjà bien sombre, à croire qu’il l’a sentie. La pauvre petite, elle se terrait dans un tronc creux, son baluchon serré dans ses bras.
Et là, la sauvagerie les a repris, à croire qu’ils en avaient de reste. Ils l’ont sortie de son tronc, lui ont arraché son ballot et toute sa lingerie est tombée au sol ; tous ses fins tissus qu’elle avait brodés pendant des heures, tout son linge, c’était pire que si elle avait été nue ! Et eux, ça les a excités… Et pis… et pis… non je peux pas dire… le pire c’était ses yeux, elle ne regardait que moi, son petit paysan, comme elle m’appelait. Elle avait toujours été gentille avec moi et moi je ne pouvais rien faire, ils m’auraient massacré comme ils avaient failli le faire déjà au château. J’ai regardé et j’ai rien fait et maintenant tout ça est dans ma tête et ça prend toute la place et je ne pourrai plus jamais dormir, plus jamais.

Thérèse, par Cathy Vagnon


©JL62

C’est moi qui ai tué Thérèse, la petite Thérèse aux cheveux d’or, si belle, si douce… C’est moi, je l’avoue. Quand vous trouverez cette lettre, je serai mort à mon tour et je la rejoindrai enfin, enfin…
Je revois cette nuit chaude, le ciel, un vrai champ d’étoiles, les compagnons, les Camisards avançant en silence sur le sentier de la Roquette vers le château de la Devèze pour y mettre le feu. On ne les aimait pas, c’est sûr, ces gens qui nous en mettaient plein les yeux, ces Catholiques, ces gens venus d’ailleurs pour nous faire suer et travailler comme des bêtes, mais parmi eux il y avait une fleur, ma petite fleur des Cévennes, ma source, ma joie, elle, Thérèse la catholique.
Thérèse allait partir, ça se savait dans la vallée. Tout se sait ici, et moi je restais.
Thérèse allait se marier et c’était ce soir-là qu’elle avait choisi à cause de la clarté des étoiles. C’était trop dur, je ne pouvais l’imaginer dans les bras d’un autre, alors sur le sentier de la Roquette, j’ai laissé mes compagnons passer devant, j’ai attendu. Au loin des cris, puis les flammes, des coups de feu, l’enfer, et je l’ai vue, elle, une apparition sous les étoiles en feu, ses bras croisés retenant son trésor. La blancheur des draps, brodés depuis tant d’hivers. Elle était sauve, immaculée, elle m’a souri, je ne voulais pas laisser s’envoler la colombe, mes mains ne semblaient plus m’appartenir. Je vois son peitt corps si frêle, son cou… J’ai serré, serré, le ciel s’est obscurci.
Alors j’ai porté son corps sans vie près du petit puits, le feu n’allait pas tarder à la rattraper, et je me suis senfui.
De trop d’amour, je l’ai tuée lâchement, laissant porter la faute à mes compagnons.
Que le dieu de Thérèse me pardonne et que le mien m’accompagne.
Signé : Jean des Tourelles.

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Un ancien parle

On a dit que Jean des Tourelles avait tué la petite Thérèse, mais tout ça c’est des histoires.
C’est rien qu’une affaire de gros sous. Les parents de la petite Thérèse étaient catholiques, ça on le sait, mais ils étaient surtout très riches et par ici, ça plaisait pas bien ces gens de la haute. En plus, elle allait se marier bientôt avec le Raoul de Molezon qui, lui, tout le monde le savait, était un protestant qui s’était nouvellement converti au catholicisme, et ça, ça mettait en colère bien des gens. Alors les Camisards y ont voulu faire un exemple, des fois que d’autres y aient la même idée, y ont choisi la Thérèse, la pauvre petite môme. Ils savaient que la Thérèse allait partir la nuit du 7 juillet avec sa dot qui comme vous vous en doutez était plutôt bien garnie.
Les Camisards ce soir-là ont mis le château à feu et à sang pour couvrir le crime de la Thérèse et ces salauds se sont partagé la dot. Et c’est Jean des Tourelles qu’avait été choisi pour cette sale besogne. On a retrouvé le corps de Thérèse à moitié calciné près du vieux puits, mais sa dot avait bel et bien disparu.

L'arbre aux pleurs, par Thierry Costa



©ZR
Le récit suivant s'inspire – sans y répondre ! – d'une suggestion d'écriture proposée pendant l'atelier du 4 août 2008, sur le sentier de la Roquette, à Molezon (48). Il s'agissait de réinventer un lieu existant et sa légende, à partir des noms de lieux traversés.

A chaque fois que je me perds dans les Cévennes le long d’un sentier couvert de genêts d’où j’entends parfois gronder un gardon ténébreux et fantasque, je me sens empli d’une sensation de bonheur, de légèreté et de bien-être. Alors que m’arriva-t-il ce jour-là quand, m’asseyant au pied d’un arbre, je fus saisi d’une telle nostalgie que, malgré moi, je me mis à fondre en larmes ?
C’était un très vieil arbre couvert de mousse qui semblait lancer ses branches mortes dans toutes les directions comme des bras décharnés appelant au secours. De retour au village, je demandais à un vieil homme comment s’appelait le sentier que j’avais suivi. Il me dit qu’il le connaissait depuis toujours sous le nom de « la sente de l’arbre aux pleurs » et me conta cette histoire incroyable.
C’était un sentier maudit, maudit pour les amoureux.
Il y a longtemps un couple d’amoureux emprunta ce sentier. Arrivés devant cet arbre qui offrait à l’époque une ombre fraîche et généreuse, ils décidèrent de graver sur le tronc, dans un cœur, les initiales de leurs deux prénoms : T, pour Théophile ; F, pour Fernande.
Théophile se saisit d’un morceau de schiste bien aiguisé et commença une première entaille. Aussitôt, l’arbre se mit à saigner, à saigner d’un rouge bouillonnant. Les branches soudain s’affaissèrent et les fruits tombèrent les uns après les autres.
Les deux amants furent pris de panique et voulurent s’enfuir mais les branches se mirent à s’agiter dans tous les sens, les empêchant de s’évader.
Soudain une branche se détendit brusquement et propulsa Fernande dans le vide. On la retrouva plus tard, flottant dans une gorge du gardon en contrebas, le crâne fracassé. Théophile fut alors emprisonné dans un entrelacs de branches qui l’emportèrent au sommet de l’arbre où il resta pendu, pleurant et suppliant, pendant dix jours et dix nuits, avant d’être dévoré par les fourmis et les corbeaux.
Depuis, par certaines nuits sombres, on croit encore entendre les supplications et les râles venus de la sente de l’arbre aux pleurs, et plus jamais aucun amoureux n’a osé emprunter le sentier maudit.

J’ai entendu les cris des Camisards, par Charlotte Léo


Les textes suivants ont été écrits par Charlotte Léo pendant la balade écriture du 4 août 2008, sur le sentier de la Roquette, à Molezon (48). Ils répondent à la suggestion d'écriture concernant le point de vue.
©fredcan

Moi, Julien d’Arnal, je sais, moi j’ai vu, j’ai entendu les cris des Camisards, les hurlements de haine, les coups de fusil. Ce jour-là, j’étais parti dans la forêt sachant que ma sœur devait quitter notre château pour s’en aller marier, je voulais lui faire en cadeau un beau lapin tout chaud avant de lui dire adieu, j’avais dix ans. Depuis la forêt, j’ai entendu des cris et puis au loin il y avait une fumée noire qui s’échappait du château. J’ai couru, couru, presque arrivé à la fontaine, je me suis caché dans un arbre et par le trou j’ai vu deux hommes tout noirs, là, moi, j’ai vu, par le trou ma sœur Thérèse allongée au pied de la fontaine, un homme en noir lui tranchait la gorge pendant que l’autre lui tenait les jambes, j’avais peur, tout mon corps tremblait. Là j’ai vu ma sœur morte, son corps pâle dans une mare de sang noir et Pierre, le garçon de la ferme qui dormait à ses côtés, que faisait-il là ? Moi j’ai vu, mais le silence m’a emporté.

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Depuis ce jour, moi Thérèse d’Arnal, j’ai quatorze ans à jamais. Belle, fraîche, assise sur ma mule qui m’emporte vers une nouvelle vie. Mon cher Père m’a obligée à quitter le château pour retrouver mon futur époux que je ne connais pas. Nous sommes en pleine guerre ici en Cévennes et mon père craint à tout moment une attaque des Camisards, voilà la réelle raison de mon départ précipité. Sachant que rien ne pourra empêcher mon mariage, je pleure, j’aime Pierre et jamais je n’aimerai cet inconnu. J’avais dit à Pierre de me rejoindre à la fontaine ; en arrivant, Pierre était là, inanimé, la tête plongée dans l’eau, une frayeur m’envahit, Pierre…
Je sentis mon corps partir en arrière, entraîné par des griffes puissantes. Deux hommes hurlaient en arrachant mes vêtements, mes cris étaient sourds, et puis avec une violence bestiale, ils me traînèrent par les cheveux jusqu’à la fontaine. J’essayai de m’agripper au corps de Pierre qui ne pouvait plus m’aider, mais son corps mou tomba à mes côtés. Je vois une lame briller dans mon dernier rayon de soleil, une douce chaleur m’envahit, les cris s’éloignent, mes yeux deviennent noirs, Pierre est à mes côtés, j’ai mis ma main dans la sienne.

Le meurtre de Thérèse, par Emma


Le texte suivant a été rédigé pendant la balade écriture du 4 août 2008, par Emma, 12 ans.
©Hemgi
Je m’étais enfuie pour échapper à l’incendie. Je courais même si je n’en pouvais plus, je continuais. Quand soudain, je trébuchai sur une souche. J’essayai de me relever, mais en vain. Mais un jeune homme arriva et il me demanda :
- Est-ce que tout va bien ?
Je lui répondis :
- Je crois que je me suis tordu la cheville et je dois fuir les rebelles !
Il dit ensuite :
- Moi aussi, je les fuis. Je m’appelle Will. Je peux vous aider ?
- Volontiers ! Je m’appelle Thérèse et je dois me marier au plus vite ! » dis-je.
- En attendant, venez chez moi boire quelque chose, vous m’avez l’air assoiffé !, dit Will.
- Oui, merci.

De toute façon, il n’y avait rien d’autre à faire…
En arrivant chez lui, il me donna un gobelet de lait.
- Buvez tant que c’est chaud, dit-il.
Je bus. Puis tout à coup, j’eus mal à la tête, j’avais de la fièvre qui ne cessait de monter, puis j’entendis Will dire :
- Je ne suis pas de ton côté. Je suis un rebelle ; je suis désolé, Thérèse.
Et enfin, je m’évanouis pour l’éternité. Il en profita pour me dérober mes richesses. Je n’aurais pas du boire ce lait.

jeudi 24 juillet 2008

Seriez-vous un personnage de roman ?



Le texte suivant nous est proposé par Djibril, à Florac (48).
©blue1987tail
"Elle avait un beau cul.
Je l’avais rencontrée il y a quelques années, je marchais dans la rue, assez vite parce que la matinée était fraîche, pour me réchauffer, tout en rêvassant comme à mon habitude. Elle avait débouché d’une ruelle, devant moi à une vingtaine de mètres, marchant dans le même sens, et mon attention avait été instantanément captée par sa démarche chaloupée. J’avais accéléré le pas légèrement afin de réduire la distance qui me séparait de la fille, pas trop vite cependant, pour ne pas la dépasser et mettre ainsi fin prématurément à ma contemplation admirative. Etrangement, je n’éprouvais aucune gêne, aucun trouble, du moins aucun trouble suspect et malsain, car, à bien y réfléchir, la beauté a toujours, comme par essence, quelque chose de troublant. Ce peut être à l’occasion d’une marche en montagne, d’une tempête sur la mer, peut être aussi la découverte d’un visage, d’un sourire, d’une intelligence, que se produit cette émotion essentielle, que l’on pourrait qualifier d’artistique ou de mystique, et qui vous fait sortir un instant de la grisaille de la vie. Ce peut être aussi, et ce fut mon cas en l’occurrence, la rencontre avec la perfection matérialisée par une divine paire de fesses.
Je la dépassais finalement. Je ne lui avais pas parlé, je ne connaissais pas le son de sa voix, ni qui elle était, ni son prénom, ni son visage, je ne savais qu’une chose : j’étais amoureux.

Xavier posa son stylo, alluma une cigarette et jeta un coup d’œil sur les quelques phrases qu’il venait d’écrire. Il pensa demander à sa femme de lui préparer une tasse de café mais se rappela qu’elle était partie chez sa mère, à Paris, il faudrait qu’il lui téléphone, bien sûr il va devoir se coltiner la belle mère pendant au moins un bon quart d’heure avant qu’elle ne lui demande : « Je te passe Jacqueline ? tu veux lui parler ? » et qu’il lui réponde : « Oui Mamie, merci, j’ai été content de t’entendre » tout en pensant « Bien sur pétasse, à qui crois tu que je téléphone, qu’est-ce que tu crois que j’en ai à foutre des bobos de ton petit chien mal élevé, c’est à ma femme que je veux parler » , tout cela en calculant mentalement le prix de quinze minutes de communication sur France Telecom.
Finalement, son brouillon, dans la mesure ou ce n’était qu’un brouillon, lui parut acceptable. L’important, pensa t-il, était de faire comprendre que Nadine avait un beau cul et cet objectif semblait atteint, il faudrait qu’un lecteur soit particulièrement débile pour ne pas le comprendre, en fait il faudrait qu’il ne sache pas lire, d’ailleurs c’est écrit en toutes lettres dès la première phrase, il n’avait pas tourné autour du pot, « Elle avait un beau cul » (et non pas Nadine avait… car à la fin le narrateur ne sait rien sur la belle inconnue à part le fait qu’elle est l’heureuse propriétaire d’un magnifique postérieur). Mais ce n’est pas tout de dire, il faut montrer, suggérer est insuffisant, il faut décrire ce cul, en quoi est il si exceptionnel ? en quoi est-il mis en relief par cette démarche « chaloupée ». Enfin bref « peut mieux faire ». Et que portait-elle ? Une robe ou un pantalon moulant ? La digression pseudo-philosophique sur la nature troublante de la beauté est intéressante mais en a t’il tiré tout le profit possible ?
Il relut une deuxième fois son texte, tout compte fait, il n’était pas si mécontent. Il décida au passage que la fille s’appellerait Nadine, sans trop savoir pourquoi, il trouvait que Nadine, c’est un prénom à avoir un beau cul. Quant à son personnage masculin, son prénom restait à décider.
Il avait l’intention d’écrire un peu dans l’après midi, et comme il sentait que son stylo était en phase terminale il décida de passer à la librairie et d’en profiter pour acheter ses Marlboro.

- Vous vous intéressez au septième art ?
Xavier ne l’avait pas vu approcher et se sentit un peu gêné.
Il avait respecté la procédure habituelle, déambuler dans les allées de la librairie, feuilleter quelques revues, feindre de l’intérêt pour les frasques amoureuses de Carla et Nicolas, prendre Libé ou Le Monde diplomatique, statut d’intello oblige, et s’approcher insensiblement du rayon ou se trouvent les DVD porno de façon à l’atteindre à un moment où il y serait seul et pourrait ainsi faire son choix en toute tranquillité sans sentir peser sur lui de regard réprobateur.
« Vous vous intéressez au septième art ? »
Elle le regardait en souriant, légèrement moqueuse mais sans méchanceté, et il crut même déceler comme une connivence amusée. Il se surprit à répondre :
Disons que je m’intéresse au septième ciel.
Elle sourit à nouveau. Il aurait bien aimé faire durer la conversation mais ne trouva rien à dire, comme souvent en de telles circonstances, réussit tout de même à lui sourire. C’est elle qui poursuivit :
«- Vous ne semblez pas me reconnaître ?
-Il me semble vous avoir croisée mais où et quand ? dans une soirée peut-être ? Rappelez-moi votre prénom ?
- Je m’appelle Nadine, j’étais à l’anniversaire d’Isabelle samedi.
- C’est un beau prénom !
- C’est vous qui l’avez choisi !
- Je ne comprends pas !
- Etes-vous bien certain de ne pas comprendre ?
- Seriez-vous un personnage de roman ? »
En guise de réponse, elle lui adressa un nouveau sourire. Bien que troublé à l’extrême, Xavier eut la présence d’esprit de l’informer qu’il avait l’intention d’inviter Isabelle pour la remercier de sa soirée, et que ce serait un plaisir pour lui si elle acceptait de faire partie des convives. Elle accepta. Et un nouveau sourire l’illumina.

Extrait du journal de Xavier
Mercredi 3 mars.
Cinquième journée sans Jacqueline, partie chez sa mère à Paris. On se téléphone tous les deux jours. Elle compte rester à Paris plus longtemps que prévu, et peut être même se rendront elles toutes les deux dans la maison de Normandie.

Pris rendez-vous chez le garagiste pour le 11 mars. Ne pas oublier cette fois ci.

Rencontre étonnante à la librairie. Elle est grande, trois ou quatre centimètres de plus que moi. Cheveux noirs. Dégaine sportive. Une belle plante, dans les quarante ans. Je ne l’ai pas reconnue, elle était chez Isa pourtant, je devais avoir l’air con. Je reçois des copains samedi. Elle en sera.

J’ai écrit ce matin. Cela avance un peu. C’est l’histoire d’une fille. Elle est belle bien sûr, tant qu’à faire, autant que ça ne soit pas un boudin, ça ne mange pas de pain après tout. Elle s’appelle Nadine, quand je vous dis que ça avance. Doucement certes, trop doucement, ce n’est pas si facile d’écrire.

Rencontré aussi Caroline devant la boulangerie, elle avait une triste mine la pauvre, il faut dire que l’un de ses chats est mort. Dans ces cas là on ne sait pas trop quoi dire, je ne suis pas trop doué pour les condoléances et les paroles de réconfort. Je suis bien triste pour elle. Enfin, il lui reste quand même ses deux chiens, son âne et les autres chats.

Je n’ai pas pu écrire cet après-midi. Je crois que la fille rencontrée ce matin à la librairie m’a un peu troublé. Le fait surtout qu’elle s’appelle Nadine, comme mon héroïne. Et surtout aussi cette étrange réponse qu’elle m’a faite, je l’entends encore : « C’est vous qui l’avez choisi ! » et ma question instantanée et non réfléchie « Seriez vous un personnage de roman ? » Il est vrai qu’elle n’a pas répondu, ce qui est logique, on ne répond pas à une question qui n’a pas de sens, qui a peut-être un sens pour moi mais ne peut pas en avoir pour elle, puisqu’elle ne sait pas que j’écris l’histoire d’une Nadine. Elle n’a pas répondu. Mais elle a souri et cela tenait lieu de réponse, de réponse énigmatique à tout le moins, d’autant qu’il y avait dans ce sourire quelque chose de délicieusement narquois et taquin, de mystérieux même.
Me voilà avec deux Nadine dans la tête. L’une est fictive et l’autre tout ce qu’il a de plus réelle. L’une avec un beau cul et l’autre avec un redoutable sourire. Réel, fictif, fictif, réel oh la la ! Xavier, arrête avec cette psychophilosophie fumeuse. C’est seulement un bloc note ici, un simple journal, tu n’es pas en train d’écrire une thèse de doctorat. Redescends sur terre et n’oublie pas, jeudi prochain rendez vous chez le garagiste. Et n’oublie pas d’y aller avec la voiture.

Passer aussi chez le boucher (collier d’agneau pour le couscous de samedi."

mardi 8 juillet 2008

Une malle aux trésors attend vos créations !


©Sesé

Venez fêter avec nous le 130e anniversaire du voyage de Stevenson en Cévennes et remplir de vos écrits, collages et créations diverses, la malle aux trésors créée par l’association des Amis de la bibliothèque de Florac autour de l’œuvre de R.L. Stevenson.

Un atelier d'écriture-lecture (jeux littéraires, lettres à Stevenson, etc.) pour tout public (adultes, enfants, ados) aura lieu le mercredi 23 juillet 2008 à partir de15h et jusqu'à 18 h, animé par les Ateliers du déluge. Rendez-vous à la Bibliothèque de Florac, avenue Jean Monestier.

Cette malle reste exposée durant tout l'été dans la vitrine de l'office de tourisme de Florac puis elle suivra le chemin de la rando-fête sur l'itinéraire de Stevenson.

dimanche 23 mars 2008

Mémoires de pierres


©DR
Attention, cet atelier qui est mentionné dans le guide du Festival Nature 2008, édité par le Parc national des Cévennes, a été supprimé. Il est remplacé par un atelier organisé par les Amis de la bibliothèque de Florac. Message dans ce blog.
M. Sauvage

Profitez de votre séjour en Cévennes cet été pour participer gratuitement à une balade écriture. Pendant le Festival Nature organisé par le Parc national des Cévennes, Les ateliers du déluge et Les amis de la bibliothèque de Florac vous proposent d'écrire autour de la mémoires des pierres :

Date et heure : mercredi 23 juillet à 10 h.
Lieu de rendez-vous : Mas-St-Chély, sur le causse Méjan, près de la boulangerie.
Durée : jusqu'à 17 h environ.

Nous marcherons jusqu'à la chapelle saint Côme et écrirons sur la mémoire des lieux. Puis nous nous rendrons au lieu-dit Le Fraïsse, une ferme tenue par Sarah Dejean, sur le causse Méjan. Là nous déjeunerons (15 € le repas, tout compris) puis nous reprendrons notre atelier d'écriture-lecture et visiterons les bâtisses du Fraïsse.

Légendes de pierres


Pendant le Festival Nature organisé par le Parc national des Cévennes, Les ateliers du déluge vous invitent à une journée de balade écriture autour de la légende des pierres.

Légendes de pierres
Date et heure : lundi 4 août à 9h30.
Lieu de rendez-vous : Parking de La Roquette, à Molezon.
Durée : jusqu'à 17 h environ.

Au cours de la balade qui nous emmènera jusqu'au Mas Chaptal, nous réinventerons l'histoire de la vallée de Trabassac, du château et du moulin de la Devèze. Spectacle audiovisuel au Mas Chaptal sur la mémoire orale des habitants de la Vallée Française. Puis nous nous rendrons au Mazdal, un gîte tenu par Ludovic Giffard, dans un magnifique environnement. Là nous déjeunerons (12 € le repas) puis nous reprendrons notre atelier d'écriture-lecture.

Mémoires de pierres et de soie


Pendant le Festival Nature organisé par le Parc national des Cévennes, Les ateliers du déluge vous invitent à une journée de balade écriture autour des activités de la soie en Vallée Française.

Mémoires de pierres et de soie
Date et heure : lundi 18 août à 9h30.
Lieu de rendez-vous : Eglise de Molezon.
Durée : jusqu'à 17 h environ.

La balade nous emmènera par le sentier de Biasses jusqu'à la magnanerie de La Roque. Nous traverserons le hameau du Plantier, irons jusqu'à la tour du Canourgue et en profiterons pour écrire sur l'histoire des lieux. Notre itinéraire nous conduira jusqu'à la magnanerie où Jacques Bernard évoquera la vie des habitants de la vallée et leur activité d'éleveurs de "magnans" ! Pique-nique et écriture-lecture avant le retour à l'église de Molezon.

Carnet de voyage sensationnel/suite 2


Illustration Martine Tridon

Ces haïkus ont été écrits pendant un atelier "écriture-dessin" animé par Marlen Sauvage et Xavier Boulot à Salièges en Cévennes. Eté 2007 - Festival Nature organisé par le Parc national des Cévennes. Martine Tridon

Toile d'araignée
Une voilette argentée
sur le genêt vert

Ecorce couchée :
des racines à l'air libres
ou branche rampante ?

Pieuvre de racines
au rocher gris agrippée :
un tronc pour la mousse ?

La fleurette jaune
poussant contre le genêt
jeune pour fleurir

Oreilles de lièvre
émergent des frondaisons
pour la cloche du village

Carnet de voyage sensationnel/suite 1


Illustration Martine Tridon

Ces haïkus ont été écrits pendant un atelier "écriture-dessin" animé par Marlen Sauvage et Xavier Boulot à Salièges en Cévennes. Eté 2007 - Festival Nature organisé par le Parc national des Cévennes.

Un toit, œuvre humaine
longe les pierres obliques
d'un colosse antique

Fleurs de l'églantier,
ouvertes au bout de la branche,
seules survivantes

S jaune posé
chemine à flanc de montagne
Mais où va-t-il donc ?

Une branche morte
blottie dans les feuilles vertes
l'automne qui vient ?

Carnet de voyage sensationnel/Martine Tridon


Illustration©Martine Tridon

Ces haïkus ont été écrits pendant un atelier "écriture-dessin" animé par Marlen Sauvage et Xavier Boulot à Salièges en Cévennes. Eté 2007 - Festival Nature organisé par le Parc national des Cévennes.

Pour le grand soleil
un parasol illusoire :
achillée en fleurs

Quatre branches nues
découpant le bleu du ciel
frondaisons fantômes

Graminées dorées
que je caresse de l'œil
doux frémissements

Fagots argentés
attendent paisiblement
les flambées prochaines

mercredi 5 mars 2008

Ecrire en atelier


©M.Guerra

Pourquoi écrit-on ? Pour qui ? Pour soi, souvent, jusqu'au jour où l'on éprouve le besoin de confronter son écriture à l'écoute des autres. On se dit "pourquoi pas ?" et dans le même instant, "à quoi bon ?". C'est là qu'il faut franchir le pas et s'aventurer à écrire en groupe ! Car rien n'est plus libérateur que de partager ses questionnements, ses hésitations, ses doutes mais aussi ses moments de grâce.

Il y a bien sûr ceux qui n'écrivent pas et qui aimeraient écrire, qui se disent fâchés avec l'écrit, avec la lecture, avec l'orthographe, leur imaginaire, que sais-je. Et qui pourtant sont titillés par cette envie de dire sur le papier… Première chose à savoir : le jugement n'a pas sa place en atelier. Deuxième chose : personne n'est obligé de lire ses textes. Chacun y vient avec le temps, à son rythme, selon son assurance, et c'est cela que favorise l'écriture en groupe.

Comment se déroule un atelier ?

Il commence par une suggestion d'écriture éclairée par la lecture de plusieurs textes d'écrivains, se poursuit avec un temps d'écriture, puis est suivi de la lecture des textes à haute voix. Aux commentaires des participants se conjuguent les retours de l'animateur sur les pistes à explorer, éventuellement. Car écouter les autres, commenter leurs textes, comprendre aussi comment nos propres écrits résonnent pour d'autres, c'est apprivoiser son écriture, c'est aussi devenir un meilleur lecteur.

Les propositions d'écriture concernent la mémoire, l'écriture de soi, l'autobiographie, certes, mais aussi la fiction ; elles se situent souvent au croisement du réel, de la mémoire et de l'imaginaire.
Marlen Sauvage

Haikus et autres écrits (suite)


©Keik-T
Merci à tous les auteurs !

Tout le monde a bu
Et Cacou lave la vaisselle
Les raisins sont mûrs
Anonyme

Une mort sotte choisie
Pendue sous un cerisier
C’était la saison

Un enfant sur les genoux
La contemplation des cieux
Anonyme

J’ai pris un petit morceau de vie
Je l’ai tourné, senti
Je l’ai mangé
Eve

Les chevaux sont mes animaux préférés !
Lola

Le bonheur des poissons n’est-il pas lié à la clarté de l’eau ?
Anonyme

Ce soleil est beau
Cette étoile est triste
Le chat est heureux
Joyce

L’énergie y est bonne bien que discrète
Je m’y sens bien !
Anonyme

Petite feuille jaune du haut de l’arbre
qui tombe sur le pavé
quel voyage !
Anonyme

Mon cœur bat
J’entends la mer à l’horizon
Elodie

L’eau est claire et les poissons sont très heureux
Marie

L’humanité terreuse
Rougeoie dans le jour
Grondant du temps qui passe
B.

Je veux me protéger de la froideur du temps
Marie

J’ai une petite sœur qui est gentille mais un peu capricieuse !
Daphné, 8 ans

La mer est jolie mais la montagne l’est plus encore
Adèle

La vie du retraité a ceci de curieux
Il n’a plus rien à faire pour gagner son bifteck
Il y en a qui s’ennuient, d’autres qui sont contents
Et je suis de ceux-là
Le bifteck est tout cuit
Y a plus qu’à consommer
Et trouver que la vie
A plein de bons côtés
Louis

Quelques haïkus et autres écrits recueillis dans la cruche…


©adlaw

Tout ici n'est pas du haïku pur et dur, mais l'essentiel était bien de partager (cf. Le haïku dans la boîte)

Le bruit tout autour
Mais la douce euphorie finit par me gagner
Julie

Un voyage en haut des arbres
Une tombe datant le passé
La faucheuse qui m’attend
Bros ( ?)

De nature solide
Je m’évapore lorsqu’on danse
Sublime liquoreux
Anonyme

Volez, volez, petits oiseaux
Volez, volez, petits oiseaux, volez !
Le printemps est là !
Sarah

Quelle que soit l’heure
Quelle que soit la lune
Vis ton jour
Anonyme

Un souffle de vent sur l’eau
Une feuille qui tombe au sol
L’automne est ici
Lina

Ton regard, cendre et azur, comble l’infini de ton désir
Pat

Aujourd’hui demain
Ici ailleurs maintenant
Avec toi toujours
Anonyme

Le vendredi saint
Le saumon est ad hoc et
Le haddock idoine
Pat the Panman

Les rires fusent
Saturant l’air de nos éclats
Libres et amoureux
Anonyme

Le haiku dans la boite


DR (cette image est peut-être protégée par des droits d'auteur)

En 2005, lors d’une manifestation intitulée « Les rendez-vous de Sainte-Croix* », j’ai proposé un « jeu » interactif consistant en une cruche remplie de petits papiers de couleurs et un plateau de vingt boîtes contenant chacune un haïku. Autant de suggestions à écrire son propre haïku. Le décor de chaque boîte, à l’extérieur et à l’intérieur, rappelait le haïku emprisonné. Une fiche indiquait le minimum à savoir sur ce petit poème japonais (cf. ci-dessous). Les haïkus recueillis sont présentés dans ce blog. Marlen Sauvage


Le haïku est un petit poème japonais, constitué d’un tercet de dix-sept syllabes (5-7-5). Cette forme poétique est attribuée à Bashô (1654-1694). C’est le personnage représenté dans un carré jaune sur l’une des boîtes !

La nature est un élément essentiel du haïku ; le senryu, autre forme poétique semblable, s’intéresse à l’imperfection humaine, à nos peurs, nos espoirs, nos défauts…

Sobre, précis, dense, sans souci de rime, le haïku est un poème concret, de « l’ici et maintenant », du quotidien.

« Dire simplement ce qui arrive en tel lieu, à tel moment », disait Bashô.

Allez-y, écrivez votre haïku sur un papier de couleur, jetez-le dans la cruche, et prenez-en un blanc en échange !

Pour en savoir plus sur Basho Matsuo et autres haïkistes, allez jusqu’à la page :

www.big.or.jp/~loupe/links/fhisto/fbasho.shtml.

* Manifestation culturelle totalement indépendante qui a lieu chaque année depuis onze ans à Sainte-Croix-Vallée-Française, en Cévennes lozériennes. Artistes et non artistes sont conviés à s’exprimer sur un thème particulier. Cette année-là, il s’agissait de « Morceaux choisis ». Pour en savoir plus sur les « Rendez-vous », contacter Janine Berder au 04 66 44 71 57.

mardi 26 février 2008

Haikus en balade/Pauline Barathieu/2008


L'eau du ruisseau coule,
un arbre mort perd ses feuilles,
un papillon vole.

Les araignées marchent,
les oiseaux dans le ciel volent,
les limaces rampent.

Les arbres coupés
chantent aux feux des maisons,
dans la cheminée.

Haikus en balade/H. Barathieu/Atelier 2008


L’arbre mort coupé
En dérisoire piquet
Repart de sa base.

Le coton du ciel
Par le vent encore frais
Est effiloché.

Ocres des chemins,
Percées des fleurs éclatantes,
Palettes d’été.

L’insecte inconnu
Mange la feuille du chêne
Laisse la dentelle.

Le marcheur fourmi
Nargué par le papillon
Voudrait s’envoler.

Toujours élégante
La fougère des sous-bois
Porte robe à traîne.

L’eau descend toujours
Mais sa musique évolue
Selon son écrin.

Cailloux du chemin
Piétinés par les marcheurs
Crissent pour chanter.

jeudi 21 février 2008

Traces de vie/J. Monnier


©THE EV

Mon père a été tué en 1914
par Josette Monnier

Il a été tué en premier, je ne l'ai pas connu. La guerre, c'est le souvenir d'hommes écrasés par la mort. Celle de mon père a été une catastrophe pour la famille. Il avait environ quinze ans de plus que ma mère. Ma mère était veuve de guerre, elle a conservé ce statut.

J'étais fille unique, arrivée après la mort de mon père. Je me souviens que petite, j'étais derrière ma mère, la tirant par ses jupes.

Nous habitions Taulignan. Dès que maman a pu se libérer de sa mère qui la traitait comme une servante, elle a retrouvé un poste d'institutrice. A l'époque, il fallait arrêter de travailler quand on était l'épouse d'un officier, c'est pourquoi maman n'exerçait pas auparavant. J'allais à l'école en tenant la main de ma mère. Nous n'avions pas le droit d'y habiter, mais nous y prenions nos repas. J'ai dû rester quatre ans peut-être à la même école que maman. Une dame qu'on appelait madame Marie venait me chercher à la sortie pour que je ne reste pas seule dans la rue. Cinq cents mètres seulement séparaient l'école de la maison.

Avec l'aimable autorisation de l'auteur
Texte publié par La Pousterle in "Je me souviens", 2007.

mercredi 20 février 2008

Qui anime les ateliers ?


Journaliste indépendante, formée à l'écriture romanesque, j'anime depuis 2001 des ateliers d'écriture, de mémoire et de parole, auprès de tous publics.

Après des études d'anglais et une formation de journaliste, je rédige des articles pour diverses revues spécialisées dans le management et l'entreprise et j'effectue des travaux de traduction pour des agences de communication. Puis je collabore au premier quotidien français pour enfants (Mon Quotidien), aux revues de la Bibliothèque nationale (Trajectoire, Chroniques… pendant 8 ans), et pige pour différents journaux comme rédactrice ou secrétaire de rédaction (Le Point, Business Week, Canal magazine, Vie et Santé, Dirigeant…). Je portraiture beaucoup, pratique l'interview, ce sont mes genres favoris. Je me spécialise dans le social et la santé et garde toujours le contact avec le "monde de l'entreprise"…

Au fil des années, je me dirige vers la communication d'entreprise et des collectivités territoriales, puis vers l'édition, je collabore à des ouvrages scientifiques, rédige quelques sites web… Mais c'est "écrire" et "faire écrire" qui me tente… Je poursuis pendant trois ans une formation à l'écriture romanesque dans le but d'animer plus tard des ateliers. Et en 2002, je quitte la région parisienne pour m'installer en Cévennes et monter ce projet. En 2004, je crée Les ateliers du déluge, une association loi 1901, avec Julie Heendrickxen, Brigitte Audibert et Marc Guerra, trois compagnons de route…

Depuis, les Ateliers ont édité quelques petits livres à tirage limité, issus de rencontres nouées ici et là. Des pièces de théâtre "de carton", montées avec des enfants, ont vu le jour, et de nouveaux projets s'annoncent parmi lesquels des spectacles de chansons, car la chanson est une autre passion… Voilà, vous savez (presque) tout !
Marlen Sauvage

jeudi 14 février 2008

Le lieu des ateliers


Traces de vie/S.Thieffinne


©ASPHOR - http://www.flickr.com/people/17347977@N08

Les garçons d'un côté, les filles de l'autre
par Sulice Thieffinne

L'école… Place de la mairie, avec le monument aux morts des guerres de 1870 et 1914. L'école, un grand bâtiment avec la mairie au centre, les garçons d'un côté, les filles de l'autre. Trois escaliers, un par école, un pour la mairie. La normale voulait que l'on y entre par les portes de face. Nous, nous y entrions par une porte dérobée qui donnait dans une ruelle, une grande cour plantée de trois petits arbres, des cerisiers non parvenus à maturité. Un grand préau, une petite classe pour maternelle, en vis-à-vis les toilettes à portes battantes, un poulailler pour le maître. La porte est là grande ouverte, une classe à droite, une à gauche, des tables à dosseret pour se tenir droit les bras croisés, un pupitre incliné percé de deux trous pour contenir deux encriers en faïence blanche à l'encre violette.

Avec l'aimable autorisation de l'auteur
Texte publié par La Pousterle in "Je me souviens", 2007.

mercredi 13 février 2008

Balade écriture - Mémoires de pierres et de soie


Pendant le Festival Nature organisé par le Parc national des Cévennes, Les ateliers du déluge vous invitent à une journée de balade écriture autour des activités de la soie en Vallée Française.

Mémoires de pierres et de soie
Date et heure : lundi 18 août à 9h30.
Lieu de rendez-vous : Eglise de Molezon.
Durée : jusqu'à 17 h environ.

La balade nous emmènera par le sentier de Biasses jusqu'à la magnanerie de La Roque. Nous traverserons le hameau du Plantier, irons jusqu'à la tour du Canourgue et en profiterons pour écrire sur l'histoire des lieux. Notre itinéraire nous conduira jusqu'à la magnanerie où Jacques Bernard évoquera la vie des habitants de la vallée et leur activité d'éleveurs de "magnans" ! Pique-nique et écriture-lecture avant le retour à l'église de Molezon.

Balade écriture - Légendes de pierres


Pendant le Festival Nature organisé par le Parc national des Cévennes, Les ateliers du déluge vous invitent à une journée de balade écriture autour de la légende des pierres.

Légendes de pierres
Date et heure : lundi 4 août à 9h30.
Lieu de rendez-vous : Parking de La Roquette, à Molezon.
Durée : jusqu'à 17 h environ.

Au cours de la balade qui nous emmènera jusqu'au Mas Chaptal, nous réinventerons l'histoire de la vallée de Trabassac, du château et du moulin de la Devèze. Spectacle audiovisuel au Mas Chaptal sur la mémoire orale des habitants de la Vallée Française. Puis nous nous rendrons au Mazdal, un gîte tenu par Ludovic Giffard, dans un magnifique environnement. Là nous déjeunerons (12 € le repas) puis nous reprendrons notre atelier d'écriture-lecture.

Balade écriture - Mémoires de pierres


©DR

Profitez de votre séjour en Cévennes cet été pour participer gratuitement à une balade écriture. Pendant le Festival Nature organisé par le Parc national des Cévennes, Les ateliers du déluge et Les amis de la bibliothèque de Florac vous proposent d'écrire autour de la mémoires des pierres :

Date et heure : mardi 22 juillet à 10 h.
Lieu de rendez-vous : Mas-St-Chély, sur le causse Méjan, près de la boulangerie.
Durée : jusqu'à 17 h environ.

Nous marcherons jusqu'à la chapelle saint Côme et écrirons sur la mémoire des lieux. Puis nous nous rendrons au lieu-dit Le Fraïsse, une ferme tenue par Sarah Dejean, sur le causse Méjan. Là nous déjeunerons (15 € le repas, tout compris) puis nous reprendrons notre atelier d'écriture-lecture et visiterons les bâtisses du Fraïsse.

Les ateliers réguliers



Des ateliers d'écriture se déroulent à l'année à La maison de Noé, à Molezon, ou chez l'un des participants. Pour s'inscrire ou en savoir davantage, merci de contacter Marlen au 04 66 44 07 82.

Ecriture et dessin - Eté 2007


Balade écriture-dessin animée pendant le Festival Nature 2007 avec Xavier Boulot.

Traces de vie, un atelier en résidence


En 2006 et 2007, la maison de retraite La Pousterle, à Nyons (Drôme) nous a confié l'animation d'ateliers d'écriture auprès de ses résidants. L'ensemble des récits recueillis a donné lieu à un recueil de textes intitulé "Je me souviens".

Ecrire en maison de retraite



Seize heures/Festival Nature


©D. Pipet
Par Hélène Barathieu

J’adore jouer avec l’eau. Je remplis une timbale ou une casserole de ma dînette à la fontaine et je verse ensuite ce liquide dans plusieurs ustensiles successifs. Mais très vite, je n’ai plus d’eau et je dois retourner m’approvisionner.
Curieuse cette eau. Elle ne sait que descendre. Elle est froide et éclabousse, mouille les chaussures et les habits. J’essaie de l’attraper, elle me file entre les doigts et dégouline le long de mes manches. Après, mes habits collent, gênent mes mouvements. Elle passe partout, file sans bruit comme un serpent fou.
Ce qui est curieux aussi , c’est que l’eau dans les pots est toujours plate. Elle a l’air dure, elle est molle. Impossible d’en faire des pâtés, des monticules. On peut seulement la verser dans le sable pour le rendre plus dur et plus solide.

L’eau de la fontaine est froide. Rien à voir avec celle du bain, des larmes ou de la salive. C’est une eau libre comme celle de la rivière. Elle donne envie de boire, mais maman ne veut pas. On peut juste se laver les mains, se rafraîchir la figure. Mes doigts glissent quand ils sont mouillés. Si je les secoue, ils forment des gouttelettes, et c’est très amusant d’arroser les autres avec.

Quand je bois, en cachette, en guidant l’eau entre mes mains bien serrées, je sens sa fraîcheur dans ma bouche, ma gorge, et même mon ventre.
Après, je regarderai filer mon pipi…

Quatorze heures/Festival Nature


Par Hélène Barathieu

La rivière n’a pas d’odeur. Ou plutôt cette eau n’en a pas . Elle est pure fraîcheur, comme les glaçons qu’on sort du freezer les après-midis d’été.
Au bord de l’eau, de tout près, on sent, dans les petites cascades, quelques gouttelettes éclaboussées et l’odeur de la mousse verte qui recouvre les rochers. Dans cette mousse d’un vert vif, poilue comme une épaisse moquette, se cachent les parfums terreux des champignons cueillis le dimanche en famille, et triés le soir, au couteau, pour enlever la terre et les feuilles. Je retrouve le goût des cèpes fondant en bouche avec suavité.
La mousse a la même odeur un peu écœurante que la lame de l’opinel de mon grand-père. Quand il me coupait une tranche de pain, l’endroit où la lame avait attaqué la dure croûte de la miche gardait toujours un arrière-goût de métal rouillé.
L’odeur de la mousse tout près de la cascade est sale et masculine. J’y vois les légumes terreux que mon père rapportait fièrement du jardin. Suivait l’odeur de l’économe pas commode, ce couteau compliqué dont je peinais à me servir. La peau des pommes de terre passait entre les deux lames. Apparaissait alors la chair blanche, que je lavais pour aider ma mère. La mousse près de la cascade renferme cela aussi : l’odeur de la terre et de la fécule blanche.
Sur les rochers, à la lisière de l’eau, je vois une couleur orangée, la même couleur de rouille que sur les vieux opinels ou les vieux économes, sans doute à cause du fer que contient cette eau.

C’est aussi cette odeur âcre de la mousse que je sentais dans mon sang, quand, enfant, je saignais du nez, en été. On me faisait pencher la tête en arrière, et le sang cascadait dans ma gorge. J’étais obligée d’avaler pour ne pas étouffer, et le goût restait longtemps dans ma bouche.

Je n’aime pas l’odeur de la mousse près des cascades.

Midi/Festival Nature


©LucaPicciau
Par Hélène Barathieu

Ici, l’eau dialogue avec la roche. Plusieurs voix s’entremêlent dans une circulation infinie, ininterrompue. Bien entendu, des bruits annexes amusent les oreilles du promeneur : chant d’oiseau, crissements d’insectes, vent dans les feuilles, mais l’essentiel est dans la variété des sons émis par l’eau elle-même dans son parcours descendant, parsemé d’embûches. Ça roule, ça déboule, ça coule, ça bouillonne, ça éclabousse, ça écume, ça jaillit, ça force, ça vit.

Tout à coup, je suis surprise par le bruit de fond. Il me rappelle quelque chose. On dirait presque une foule, mais ce n’est pas ça.

Je ferme les yeux, je me bouche les oreilles, et je réalise soudain que ce chant de l’eau qui dévale en torrent me rappelle, inconsciemment, un autre chant, que j’entends depuis toujours en moi.

C’est le même ronronnement que celui de mon sang dans mes artères. C’est ma musique originelle, qui me relie à ma mère et à mes filles. C’est le battement du cœur de la mère, musique qui rythme la mystérieuse vie in utero.

Onze Heures/Festival Nature


©hirondellecanada

Par Hélène Barathieu

A l’entrée du champ, près des barbelés distendus et rouillés, l’herbe est rare, usée par les passages des bêtes, des hommes, et surtout du matériel. Quelques touffes jaunies luttent contre la sécheresse. En regardant bien, il reste un peu de vert du printemps dans ces brins assoiffés. Chaque touffe ébouriffée garde encore quelques brins verticaux, chargés de graines en leur extrémité, pinceau ou plume pointé vers le ciel, frémissant au vent.

Les petites fourmis noires préfèrent parcourir les zones plus secrètes. Elles s’activent, grouillent, escaladent, font l’équilibre sur ces petits fils végétaux, apparaissent, disparaissent, réapparaissent. D’autres insectes sont plus rapides : une sauterelle bondit, et des inconnus noirâtres, antennes dressées, pattes arrières écartées par l’embonpoint de leur ventre, crapahutent dans un enchevêtrement d’herbes, de brindilles de genêts secs, ou, au bord du chemin, de gousses entortillées comme des ressorts.

Seul un papillon aux couleurs vives vient parfois danser sur l’ocre et les bruns grisés de ce tapis naturel.

Récit, suite 1/Festival Nature


©Rando_soleil

Par Hélène Barathieu

Je n’ai pu faire qu’un croquis assez minable de l’endroit, décidément je vais renoncer à illustrer mes notes.
Nous poursuivons notre parcours par un sentier qui surplombe la rivière. Cinq cents mètres environ vont nous suffire pour atteindre un endroit magnifique : un passage à gué et une superbe cascade. Après nous être rafraîchies, nous pique-niquons tranquillement, puis reprenons nos activités.

3° étape : le goût et l’odorat, à associer au « je » et à la mémoire.
Lectures préalables :
- Amouramort, de Sisma Van Heemstra, Actes Sud.
Dans le premier extrait, des enfants jouent avec la nourriture, transforment une figue en cochon, des framboises écrasées en sang répandu…Dans le deuxième passage, le narrateur fantasme sur une jeune fille alors qu’ils mangent des radis.
- Le Parfum, de Patrick Süskind,p. 39 L.P.
Il s’agira pour nous de nous laisser entraîner par un parfum et de chercher où ça nous mène dans notre mémoire.

Quatorze Heures (voir texte affiché)

Quatrième et dernière étape : le toucher.
Nous restons sur le même site.
Notre écriture sera subjective ou fictionnelle.
Il s’agit d’être attentif à ce qu’on sent en premier, aux sensations concrètes. On peut aussi envisager une métamorphose, dire comment se transforment les fonctions humaines.
Lectures :
Le Clézio, Le Chemin.
Giono, poème de l’Olive.

Quinze heures (voir texte affiché)

Fin de cet atelier. Nous rebroussons chemin dans une chaleur suffocante qui rend l’ascension vers Finiels assez pénible. Nous nous quittons assez rapidement car certaines enchaînent avec une autre activité du parc. Avant de repartir, je jette un coup d’œil au camping… Qui sait, peut-être qu’un jour, en famille…

Récit, suite/Festival Nature



©mpix46

Par Hélène Barathieu

Chacune lit son texte. Alex a évoqué « les pics vertigineux » et « le terrain de jeux » des insectes, j’aurais pu aussi utiliser ces expressions.
J’ai coupé une fougère, ramassé quelques brindilles, des feuilles, mais je finis par les oublier par terre. Dommage.
Nous poursuivons notre descente vers la rivière par un sentier abrupt, plutôt glissant car la terre est très sèche, presque sablonneuse. Quand on arrive à regarder autre chose que ses pieds, on est surpris par l’immensité du panorama et la beauté de cet espace structuré par d’énormes blocs de granit, ronds comme des billes pour géants.
Il est midi, mais nous attendrons un peu pour manger.

Deuxième étape : l’ouïe.

Fermons les yeux pour écouter le ruisseau et la voix cachée des choses. Vers quoi nous porte ce que l’on entend ?
Je prends mon temps. Les bruits sont très nombreux, à la fois connus et inconnus. J’essaie d’être plus à l’écoute que jamais.

Midi (voir texte affiché)

Récit d'un atelier en quatre étapes



©Mavortium

CARNET DE VOYAGE SENSATIONNEL
Sur les pas de R. L. Stevenson, par Hélène Vors Barathieu

Finiels, 25 juillet 2006, départ devant la maison Victoire.
Animatrice : Marlen Sauvage (Les ateliers du déluge - Temelac, 48110 Molezon)

Nous ne serons que six femmes aujourd’hui. Mon amie de plume, Marie Charlotte, comme plusieurs personnes pré-inscrites, a dû redouter la chaleur, ou le long trajet jusqu’aux montagnes qui dominent le Pont de Montvert.
Outre l’animatrice, je suis donc accompagnée de Sylvette, une des responsables des animations du parc naturel des Cévennes, d’Alex, qui vient du Jura et passe une semaine de vacances en Lozère, de Stéphanie et de Françoise.

La brochure indiquait un rendez-vous à dix heures devant la maison Victoire. Il s’agit d’une maison d’hôte superbe, en granit, aussi accueillante que son propriétaire. Le panorama est grandiose, l’air pur. Après les présentations et une petite marche parfumée par les genêts, Marlen revient sur l’histoire des carnets de voyage, sur celui de Stevenson, et donne des exemples de carnets modernes : Titouan Lamazou ou Loustal, qui mêlent textes, collages de tickets, d’images diverses, peintures, croquis… parfois en décalage avec le texte.
Nous aussi nous pourrons dessiner ou coller…
La notation : une écriture du présent, objective, plate, sans commentaire en général. Un fragment court : parfois une phrase, un seul mot, ou un texte plus long, de trois pages par exemple.
Comme notre voyage ne sera que de quelques heures, il sera appréhendé comme un voyage intérieur, et sa trace écrite comme écriture de soi. Il y aura cinq étapes, on peut donc structurer l’espace matériel de notre carnet en fonction.
Mise en condition : après quelques centaines de mètres de marche, nous nous asseyons sur l’herbe et écoutons des extraits de Gao Xingjan, (auteur de La Montagne de l’âme, prix Nobel) : Une Canne à pêche pour mon grand-père.

Première étape : la vue.
Deuxième étape : l’ouïe.
3° étape : le goût et l’odorat, à associer au « je » et à la mémoire.
Quatrième et dernière étape : le toucher.

Onze heures (voir texte affiché)

©Loustal