mardi 12 août 2008

Cimetière, par Djibril Bousquet


©misskylie77

J’ai fini par trouver la tombe. Lucien Buridon 1920-1993.
Mon père est là ou du moins ce qu’il peut en rester après quelques années de décomposition, à six pieds sous terre comme l’on dit. Je ne viens plus très souvent à Paris et c’est un rite pour moi à chacun de ces voyages de consacrer au moins une demi-journée à la visite du Père Lachaise. C’était pour moi un endroit de prédilection quand j’étais étudiant et que j’habitais dans le quatorzième arrondissement. Décemment je ne peux pas passer ici sans le voir le padre et lui dire, avec tout le respect que je lui dois, que j’en ai toujours aussi gros sur la patate. Oui papa, c’est une riche idée que tu as eue de mourir et de me lâcher les baskets, même si tu aurais pu le faire plus tôt, mais enfin mieux vaut tard que jamais. Tout de même tu aurais pu te choisir un autre cimetière, mais peut être ne savais-tu pas, je veux bien te laisser le bénéfice du doute, peut être ne savais-tu pas qu’ici c’était un de mes lieux de promenade, de méditation, de ressourcement. Ici j’ai commencé à vivre, ici j’ai pu me débarrasser de ton souvenir, j’ai appris à respirer enfin. Alors comment oses-tu encombrer ce lieu, qui est celui de ma libération, de ta carcasse nauséabonde et malfaisante ? De quel droit m’imposes-tu cette présence ? Comment envisager encore, comme j’en avais caressé le rêve, de me faire enterrer ici un jour ? Il me plaisait alors d’envisager la mort comme une continuation de la vie, une vie plus heureuse c’est-à-dire pour moi, une vie sans père. Car pour moi vois-tu la définition du bonheur, c’est l’absence de la souffrance, du malheur et mon malheur, c’est toi. Tu n’as fait qu’une chose pour moi, un seul geste que j’ai eu la naïveté de prendre pour de l’amour, c’est d’attraper un cancer et de crever et de disparaître de ma vue. Mais ce n’était que pour revenir me narguer dans cet endroit.
Enfin, puisque tu es là, restes-y, et essaye simplement de te faire le plus petit, le plus discret possible, si ce n’est pas trop te demander, mon cher papa.
Oui, voilà ce que j’ai l’intention de lui dire.
Peut-être que dans un deuxième temps, mais dans un deuxième temps seulement, peut-être, enfin probablement, sûrement, à coup sûr, j’inverserai la tonalité de mon discours. J’amorcerai le virage par une considération philosophique, j’invoquerai par exemple le lien ténu, même pas l’épaisseur d’un cheveu, qui existe entre la haine et l’amour. Et pendant que j’y serai, car pourquoi faire les choses à moitié ? je me fendrai de quelques larmes, ce ne sera pas difficile, il suffira de me mettre en condition, j’y suis parvenu lors de ma dernière visite.
Il est donc là devant moi, à mes pieds et il est temps maintenant de commencer mon petit cinéma.
Mais je n’éprouve que de l’indifférence, qu’un ennui profond. Alors je m’en vais. Qu’il continue tranquillement à pourrir, moi j’ai ma promenade à faire. Je m’immobilise subitement après quelques pas. Tout de même, j’aurais pu dire au revoir ou adieu, la politesse ça existe ! A côté de moi, il y a un pot de fleurs sur une tombe. Il y a une photo aussi. Le type est souriant. Il a l’air heureux. Pas le genre ténébreux ou rancunier. Une tête sympathique vraiment. Il y a des gens heureux, ils ont ce don, leur bonne humeur est communicative et rien qu’à les regarder on se sent meilleur. Il a une tête à rendre service. “ Je peux te taxer une fleur ? c’est pour mon père.” Il me semble que le sourire sur la photo s’est accentué. Je me sers et j’apporte la fleur à papa.



J’aperçois un corbillard et un groupe de personnes. J’ai de la chance, je vais assister à un enterrement, excellent pour me mettre dans l’ambiance avant ma promenade. Ce que j’aime bien dans les cimetières c’est que les spectacles sont gratuits. Je m’approche pour mieux observer, sans toutefois me joindre au groupe des amis et de la famille, par discrétion mais aussi parce que je suis intimidé par les dimensions du caveau. Visiblement on est ici dans un quartier rupin et ce n’est pas un SDF que l’on accompagne à sa dernière demeure.
Le discours est nul, ça commence mal. C’était un homme dont les qualités humaines et professionnelles étcétéra, c’était un ami attentionné et dévoué blablabla, Jean, tu resteras à jamais pour nous tous l’exemple parfait d’un homme qui patatipatata…
En plus il n’y a même pas de curé, pas de lecture de psaume biblique, moi j’aime bien les psaumes glorifiant L’Eternel qui nous guide en de verts pâturages. Franchement je suis déçu et les gens aussi semblent s’ennuyer ferme, et je me demande l’intérêt qu’il y a à avoir de la thune si c’est pour avoir un enterrement aussi nul. Mais puisque le spectacle est gratuit, rien ne m’autorise à faire une réclamation.
Pas de curé mais pas de veuve éplorée non plus. Pourtant la veuve éplorée est un des éléments clefs d’un enterrement réussi. Elle a vingt ans de moins que son regretté mari. Elle est catholique. Elle porte une robe noire moulante qui galbe des formes généreuses et une petite croix qui nous rappelle les souffrances qu’a endurées pour nos péchés notre seigneur Jésus-Christ, tout en mettant en valeur des seins d’une rondeur parfaite. Elle porte enfin, et c’est essentiel, un crêpe noir transparent pour couvrir sans le cacher un visage ou peut se lire sa dignité dans l’épreuve et une bouche qui suggère combien douces et expertes étaient les fellations que par amour elle prodiguait à son mari avant que le destin ne les sépare cruellement.
Je n’assiste pas à la fin de la cérémonie. De toute façon, les gens regardent leurs montres et il est probable qu’ils vont bâcler la mise en terre. C’est bien dommage car cela peut être intéressant, ce peut être un moment de grande émotion.
Normalement la veuve doit s’évanouir et un monsieur doit se précipiter pour la rattraper à temps et palper par inadvertance la douceur de ses fesses sous le tissu soyeux de sa robe. Ce qui est impossible en l’occurrence puisqu’il n’y a pas de veuve.
Alors je quitte les lieux pour continuer ma promenade.

En écoutant les pierres… (suggestion d'écriture)


Le 4 août 2008, une balade-écriture nous a promenés sur le sentier de la Roquette, à Molezon (48), dans le vallon de Trabassac. En écoutant les pierres, en se remémorant les légendes du temps des Camisards et de la terrible guerre qui se déroula dans ces montagnes et dont le château de la Devèze est encore l’illustre témoin, les esprits se sont débridés, l’imaginaire de chacun a caracolé à la recherche de la vérité concernant la jeune Thérèse d’Arnal, jeune fille catholique massacrée comme toute sa famille un jour de juillet 1704. Voici quelques-uns des récits qui nous ont été confiés, tels que rédigés en atelier, durant une demi-heure environ. Ils répondent à une suggestion d’écriture concernant le point de vue.
©DR

Si c'est pas dommage, par Marthe Janssen


Les deux textes suivants sont restitués tels que rédigés en atelier, durant une demi-heure environ. Ils répondent à la troisième suggestion d’écriture (travail de point de vue) proposée lors de l’atelier du 4 août, à La Roquette, Molezon (48).
©delphineR2M

Si c’est pas dommage, une belle jeune fille comme ça, si jolie, si jolie. Oh mais là, elle était pas bien belle à regarder !
Ça faisait quelques jours que les événements s’étaient passés. Personne n’osait sortir, vous pensez bien ! Entre les camisards qu’on disait assoiffés de sang, et les gens d’armes qui tiraient sur tout ce qui avait deux jambes, il faisait pas bon mettre le nez dehors ! Moi, au bout d’une semaine, j’en pouvais plus de rester terré avec la Jeanne. Et puis je voulais manger autre chose que des châtaignes ! Faut dire qu’y a pas meilleur que moi pour ce qui est de poser des pièges et je pensais à tout ce beau gibier qui devait pourrir, ça me fendait le cœur. Alors au bout d’une semaine donc, je suis passé outre les protestations de ma femme, j’ai pris ma biasse et je suis sorti. Je suis remonté le long du vallon, j’étais pas bien rassuré mais j’avais faim, voyez-vous, et ça, ça donne des ailes comme qui dirait.
En contrebas du château, j’avais mes premiers pièges à relever, j’y courais presque ! Et là, j’ai pas bien compris d’abord ce que je voyais : dans les châtaigniers, sur les pierres, dans les bouscas, des taches blanches, je distinguais pas bien et puis j’ai vu ! C’étaient des chemises, des culottes, des caracos, des mouchoirs suspendus, déchirés mais reconnaissables quand même. On aurait dit que les arbres s’étaient habillés pour la circonstance.
Alors je l’ai vue, tournée face contre terre, elle était tombée juste à côté d’un collet, un lièvre y était pris. Du coup, ça faisait deux victimes qui avaient l’air de se parler dans la mort, elle, Thérèse qu’elle s’appelait, et le lièvre qui avait pas de nom.
Pour ce qui est du lièvre, je sais m’y prendre avec les collets, et pour sûr qu’il avait pas eu le temps de souffrir, clac d’un coup, en se débattant il était mort. Mais elle pour sûr, elle a dû se débattre aussi, mais elle est sans doute pas morte d’un coup : pensez donc, tomber sur une demi-douzaine de furieux, de la haine plein le cœur et les mains. Pauvre petite…
Il paraît qu’elle s’ensauvait pour rejoindre son promis plus bas dans la vallée, elle avait emproté son trousseau dans un baluchon. Son trousseau ! Des années à broder, et tout ça pour un fiancé qui ne la prendra jamais dans ses bras.

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Je ne veux plus dormir, plus jamais ! Chaque fois que je m’endors depuis cette nuit maudite, je revois tout en rêve, tous les détails et ses yeux et ses cris ! Non, non, je ne veux plus jamais dormir.
Je veux bien raconter une dernière fois, mais c’est pour m’en débarrasser et puis comme ça, vous saurez. Ce soir c’est décidé, je vais mourir, tout est dans la grotte derrière chez moi, la corde, le nœud, le tabouret. Moi je sers au château, ma famille est pas bien riche, alors ça fera une bouche de moins à nourrir. Mais ces messieurs-dames sont catholiques et pour servir chez eux, l’a fallu que j’abjure la mienne de foi. Mais quand on a faim…
Quand ils sont arrivés, les Camisards, ils ont mis le feu et pourchassé tout le monde à coups de fourches et de faux, et puis y’en a un qui m’a reconnu. « C’est le petit du Villaret » qu’il a dit. « Cest un des nôtres, pas vrai, petit ? ». Oui, j’ai dit oui, bien sûr que j’ai dit oui ! Et que les Darnal c’étaient des salauds ! C’était pas tant vrai, un peu hautains mais pas tant méchants. Enfin, il valait mieux que ce soit eux que moi, je pensais. Alors j’ai crié avec les autres, moi aussi, j’ai frappé avec une serpette qu’on m’avait mise en main.
Quand tout brûlait et que toute la maisonnée a été massacrée, on est parti, moi avec les autres, les pierres de la cour étaient toutes rougies comme quand c’est les mûres et qu’elles éclatent par terre, des tâches rouges, mais c’était du sang.
On a pris le sentier, on marchait en silence, comme si toute cette sauvagerie nous avait assommés. Et pouis le grand Sauveterre qu’a des yeux de rapace, il l’a vue, je sais pas comment parce qu’il faisait déjà bien sombre, à croire qu’il l’a sentie. La pauvre petite, elle se terrait dans un tronc creux, son baluchon serré dans ses bras.
Et là, la sauvagerie les a repris, à croire qu’ils en avaient de reste. Ils l’ont sortie de son tronc, lui ont arraché son ballot et toute sa lingerie est tombée au sol ; tous ses fins tissus qu’elle avait brodés pendant des heures, tout son linge, c’était pire que si elle avait été nue ! Et eux, ça les a excités… Et pis… et pis… non je peux pas dire… le pire c’était ses yeux, elle ne regardait que moi, son petit paysan, comme elle m’appelait. Elle avait toujours été gentille avec moi et moi je ne pouvais rien faire, ils m’auraient massacré comme ils avaient failli le faire déjà au château. J’ai regardé et j’ai rien fait et maintenant tout ça est dans ma tête et ça prend toute la place et je ne pourrai plus jamais dormir, plus jamais.

Thérèse, par Cathy Vagnon


©JL62

C’est moi qui ai tué Thérèse, la petite Thérèse aux cheveux d’or, si belle, si douce… C’est moi, je l’avoue. Quand vous trouverez cette lettre, je serai mort à mon tour et je la rejoindrai enfin, enfin…
Je revois cette nuit chaude, le ciel, un vrai champ d’étoiles, les compagnons, les Camisards avançant en silence sur le sentier de la Roquette vers le château de la Devèze pour y mettre le feu. On ne les aimait pas, c’est sûr, ces gens qui nous en mettaient plein les yeux, ces Catholiques, ces gens venus d’ailleurs pour nous faire suer et travailler comme des bêtes, mais parmi eux il y avait une fleur, ma petite fleur des Cévennes, ma source, ma joie, elle, Thérèse la catholique.
Thérèse allait partir, ça se savait dans la vallée. Tout se sait ici, et moi je restais.
Thérèse allait se marier et c’était ce soir-là qu’elle avait choisi à cause de la clarté des étoiles. C’était trop dur, je ne pouvais l’imaginer dans les bras d’un autre, alors sur le sentier de la Roquette, j’ai laissé mes compagnons passer devant, j’ai attendu. Au loin des cris, puis les flammes, des coups de feu, l’enfer, et je l’ai vue, elle, une apparition sous les étoiles en feu, ses bras croisés retenant son trésor. La blancheur des draps, brodés depuis tant d’hivers. Elle était sauve, immaculée, elle m’a souri, je ne voulais pas laisser s’envoler la colombe, mes mains ne semblaient plus m’appartenir. Je vois son peitt corps si frêle, son cou… J’ai serré, serré, le ciel s’est obscurci.
Alors j’ai porté son corps sans vie près du petit puits, le feu n’allait pas tarder à la rattraper, et je me suis senfui.
De trop d’amour, je l’ai tuée lâchement, laissant porter la faute à mes compagnons.
Que le dieu de Thérèse me pardonne et que le mien m’accompagne.
Signé : Jean des Tourelles.

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Un ancien parle

On a dit que Jean des Tourelles avait tué la petite Thérèse, mais tout ça c’est des histoires.
C’est rien qu’une affaire de gros sous. Les parents de la petite Thérèse étaient catholiques, ça on le sait, mais ils étaient surtout très riches et par ici, ça plaisait pas bien ces gens de la haute. En plus, elle allait se marier bientôt avec le Raoul de Molezon qui, lui, tout le monde le savait, était un protestant qui s’était nouvellement converti au catholicisme, et ça, ça mettait en colère bien des gens. Alors les Camisards y ont voulu faire un exemple, des fois que d’autres y aient la même idée, y ont choisi la Thérèse, la pauvre petite môme. Ils savaient que la Thérèse allait partir la nuit du 7 juillet avec sa dot qui comme vous vous en doutez était plutôt bien garnie.
Les Camisards ce soir-là ont mis le château à feu et à sang pour couvrir le crime de la Thérèse et ces salauds se sont partagé la dot. Et c’est Jean des Tourelles qu’avait été choisi pour cette sale besogne. On a retrouvé le corps de Thérèse à moitié calciné près du vieux puits, mais sa dot avait bel et bien disparu.

L'arbre aux pleurs, par Thierry Costa



©ZR
Le récit suivant s'inspire – sans y répondre ! – d'une suggestion d'écriture proposée pendant l'atelier du 4 août 2008, sur le sentier de la Roquette, à Molezon (48). Il s'agissait de réinventer un lieu existant et sa légende, à partir des noms de lieux traversés.

A chaque fois que je me perds dans les Cévennes le long d’un sentier couvert de genêts d’où j’entends parfois gronder un gardon ténébreux et fantasque, je me sens empli d’une sensation de bonheur, de légèreté et de bien-être. Alors que m’arriva-t-il ce jour-là quand, m’asseyant au pied d’un arbre, je fus saisi d’une telle nostalgie que, malgré moi, je me mis à fondre en larmes ?
C’était un très vieil arbre couvert de mousse qui semblait lancer ses branches mortes dans toutes les directions comme des bras décharnés appelant au secours. De retour au village, je demandais à un vieil homme comment s’appelait le sentier que j’avais suivi. Il me dit qu’il le connaissait depuis toujours sous le nom de « la sente de l’arbre aux pleurs » et me conta cette histoire incroyable.
C’était un sentier maudit, maudit pour les amoureux.
Il y a longtemps un couple d’amoureux emprunta ce sentier. Arrivés devant cet arbre qui offrait à l’époque une ombre fraîche et généreuse, ils décidèrent de graver sur le tronc, dans un cœur, les initiales de leurs deux prénoms : T, pour Théophile ; F, pour Fernande.
Théophile se saisit d’un morceau de schiste bien aiguisé et commença une première entaille. Aussitôt, l’arbre se mit à saigner, à saigner d’un rouge bouillonnant. Les branches soudain s’affaissèrent et les fruits tombèrent les uns après les autres.
Les deux amants furent pris de panique et voulurent s’enfuir mais les branches se mirent à s’agiter dans tous les sens, les empêchant de s’évader.
Soudain une branche se détendit brusquement et propulsa Fernande dans le vide. On la retrouva plus tard, flottant dans une gorge du gardon en contrebas, le crâne fracassé. Théophile fut alors emprisonné dans un entrelacs de branches qui l’emportèrent au sommet de l’arbre où il resta pendu, pleurant et suppliant, pendant dix jours et dix nuits, avant d’être dévoré par les fourmis et les corbeaux.
Depuis, par certaines nuits sombres, on croit encore entendre les supplications et les râles venus de la sente de l’arbre aux pleurs, et plus jamais aucun amoureux n’a osé emprunter le sentier maudit.

J’ai entendu les cris des Camisards, par Charlotte Léo


Les textes suivants ont été écrits par Charlotte Léo pendant la balade écriture du 4 août 2008, sur le sentier de la Roquette, à Molezon (48). Ils répondent à la suggestion d'écriture concernant le point de vue.
©fredcan

Moi, Julien d’Arnal, je sais, moi j’ai vu, j’ai entendu les cris des Camisards, les hurlements de haine, les coups de fusil. Ce jour-là, j’étais parti dans la forêt sachant que ma sœur devait quitter notre château pour s’en aller marier, je voulais lui faire en cadeau un beau lapin tout chaud avant de lui dire adieu, j’avais dix ans. Depuis la forêt, j’ai entendu des cris et puis au loin il y avait une fumée noire qui s’échappait du château. J’ai couru, couru, presque arrivé à la fontaine, je me suis caché dans un arbre et par le trou j’ai vu deux hommes tout noirs, là, moi, j’ai vu, par le trou ma sœur Thérèse allongée au pied de la fontaine, un homme en noir lui tranchait la gorge pendant que l’autre lui tenait les jambes, j’avais peur, tout mon corps tremblait. Là j’ai vu ma sœur morte, son corps pâle dans une mare de sang noir et Pierre, le garçon de la ferme qui dormait à ses côtés, que faisait-il là ? Moi j’ai vu, mais le silence m’a emporté.

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Depuis ce jour, moi Thérèse d’Arnal, j’ai quatorze ans à jamais. Belle, fraîche, assise sur ma mule qui m’emporte vers une nouvelle vie. Mon cher Père m’a obligée à quitter le château pour retrouver mon futur époux que je ne connais pas. Nous sommes en pleine guerre ici en Cévennes et mon père craint à tout moment une attaque des Camisards, voilà la réelle raison de mon départ précipité. Sachant que rien ne pourra empêcher mon mariage, je pleure, j’aime Pierre et jamais je n’aimerai cet inconnu. J’avais dit à Pierre de me rejoindre à la fontaine ; en arrivant, Pierre était là, inanimé, la tête plongée dans l’eau, une frayeur m’envahit, Pierre…
Je sentis mon corps partir en arrière, entraîné par des griffes puissantes. Deux hommes hurlaient en arrachant mes vêtements, mes cris étaient sourds, et puis avec une violence bestiale, ils me traînèrent par les cheveux jusqu’à la fontaine. J’essayai de m’agripper au corps de Pierre qui ne pouvait plus m’aider, mais son corps mou tomba à mes côtés. Je vois une lame briller dans mon dernier rayon de soleil, une douce chaleur m’envahit, les cris s’éloignent, mes yeux deviennent noirs, Pierre est à mes côtés, j’ai mis ma main dans la sienne.

Le meurtre de Thérèse, par Emma


Le texte suivant a été rédigé pendant la balade écriture du 4 août 2008, par Emma, 12 ans.
©Hemgi
Je m’étais enfuie pour échapper à l’incendie. Je courais même si je n’en pouvais plus, je continuais. Quand soudain, je trébuchai sur une souche. J’essayai de me relever, mais en vain. Mais un jeune homme arriva et il me demanda :
- Est-ce que tout va bien ?
Je lui répondis :
- Je crois que je me suis tordu la cheville et je dois fuir les rebelles !
Il dit ensuite :
- Moi aussi, je les fuis. Je m’appelle Will. Je peux vous aider ?
- Volontiers ! Je m’appelle Thérèse et je dois me marier au plus vite ! » dis-je.
- En attendant, venez chez moi boire quelque chose, vous m’avez l’air assoiffé !, dit Will.
- Oui, merci.

De toute façon, il n’y avait rien d’autre à faire…
En arrivant chez lui, il me donna un gobelet de lait.
- Buvez tant que c’est chaud, dit-il.
Je bus. Puis tout à coup, j’eus mal à la tête, j’avais de la fièvre qui ne cessait de monter, puis j’entendis Will dire :
- Je ne suis pas de ton côté. Je suis un rebelle ; je suis désolé, Thérèse.
Et enfin, je m’évanouis pour l’éternité. Il en profita pour me dérober mes richesses. Je n’aurais pas du boire ce lait.