vendredi 19 mars 2010

Le rêve du vieux Corse, Denise Rocher

Le vieux Corse dans l'obscurité et la fraîcheur de sa maison de Sartène voudrait bien atteindre son bol et boire son lait. Mais une vague ocre l'en empêche. Il n'ose pas tendre la main car il pense qu'il s'agit là de sang. En fermant les yeux, il revoit la Camargue où il est allé, un jour, en voyage, et où il a vu des oiseaux à longues pattes se mirer dans l'eau près des ajoncs. Mais lorsqu'il ouvre les yeux, toujours ce sang le sépare du bol. Il devrait sortir et s'asseoir sous l'arbre devant sa maison, mais il est comme paralysé, et ni le souvenir de la Camargue, ni l'idée de l'ombre du tilleul n'arrivent à le détendre. Peut-être quelqu'un viendra-t-il frapper à sa porte et le réveiller, alors il s'apercevra qu'il s'est endormi, mal assis, qu'il souffre de courbatures partout et que… tout cela n'était qu'un rêve.

La fève bleue, Anne Lavenant

Trois éléments déclencheurs pour cette suggestion : deux photos dont une collée sur un carré de bois, à décrire et une de pommiers ; le dessin d'une "drôle de cosse bleue". Il s'agissait ensuite d'imaginer une histoire à partir de ces trois images.

Premier texte :
Il s'agit d'un tableau carré de 20 x 20 cm. Une photo prise en plongée, qui a été retravaillée comme une photo ancienne, sombre et froissée. On y voit une femme assise à une table de bois, qui écosse des fèves. Elle est brune, les cheveux relevés en chignon. Elle porte une robe rouge décolletée qui laisse voir sa peau dorée et ses bras nus. A son annulaire gauche, une alliance dorée. Elle tient entre ses mains une cosse de fève. Devant elle, sur la table, une vingtaine de cosses sont entassées, quelques fèves sont déjà écossées. A sa droite, un verre à pied, dans l'ombre, contient un liquide rouge sombre. De part et d'autre du verre, trois tomates sont posées là ainsi qu'un bol en terre. En face de la femme, de l'autre côté de la table, légèrement sur la droite, il y a une autre chaise. On aperçoit au sol le pied gauche de la femme sur les grandes dalles de carrelage clair.

Deuxième texte :
Elle avait attendu le printemps avec fébrilité parce qu'à la fin de l'été, elle avait rencontré une drôle de petite fille qui lui avait dit qu'elle trouverait la réponse à ses interrogations dans une cosse de fève… Cela l'avait beaucoup intriguée. Qui était cette petite fille au regard sérieux et profond qui se promenait sur la plage ce soir-là ? Et pourquoi s'était-elle arrêtée devant elle longuement en la regardant ? Elle n'avait pas osé l'interroger, c'est la petite qui lui avait souri et lui avait dit : "Je sais des choses dans le cœur des grandes personnes, veux-tu savoir ce que je vois chez toi ?". Tu feras un choix qui déterminera ta vie, alors attends le printemps et tu trouveras la réponse en épluchant une cosse de fève. Puis la gamine avait ri et s'était enfuie en courant.
Elle n'avait alors pas attaché d'importance à cette rencontre. Mais dans l'hiver, elle s'était trouvée devant un dilemme… Quel choix faire ? Et la phrase de la petite fille lui était revenue… Et si elle attendait le printemps pour se décider ? Aussi quand les pommiers ont refleuri, elle est allée au jardin et a guetté les tiges des fèves jusqu'à ce que les cosses se forment et gonflent, prêtes à être cueillies.
Elle a rapporté sa cueillette à la maison et s'est mise à l'écosser. Elle adorait les fèves fraiches, crues, avec un morceau de pain beurré… Et là, quelle surprise ! En ouvrant cette cosse, une fève d'un beau bleu jaillit de son écrin et tomba sur la table. Elle sut tout de suite que c'était là le signe annoncé par la petite fille et le choix qu'elle devait faire… Elle serait infirmière et non sage-femme, en effet elle hésitait depuis la rentrée quant à son orientation, car il fallait déposer les dossiers d'entrée dans les écoles avant le mois de juin. Jusque là elle avait envisagé les deux orientations sans parvenir à se décider. Mais la couleur bleue de cette fève extraordinaire lui indiquait clairement qu'elle serait infirmière car les élèves infirmières portaient une blouse bleue la première année, alors que les élèves sages-femmes portaient une blouse rose !

mercredi 17 mars 2010

Une cage d'étoiles, Monika Espinasse


Le 10 mars 2010 avait lieu une séance d'initiation à l'atelier d'écriture, dans les locaux de la bibliothèque de Florac, et à l'initiative des Amis de la bibliothèque.

Monika Espinasse a signé le texte qui suit, rédigé en une vingtaine de minutes sur une suggestion au croisement du réel, de la mémoire et de la fiction.



Elle était enfermée dans une cage pleine d’étoiles et de fleurs bleues. Elle était triste. Il n’y avait personne pour l’aider à en sortir. Même la jolie coiffe de plumes sur sa tête ne lui était d’aucun secours. Arlequin aussi était parti. Il lui avait promis de revenir, lui avait même laissé un calendrier pour qu’elle pense à lui, mais elle n’avait aucune nouvelle de son retour.

Alors elle s’échappa en rêve. Elle monta sur la plus haute crête pour le guetter. Elle suivit un sentier de plus en plus raide, escalada la pente de sable blond. Ses pieds s’enfoncèrent dans le sol tout mou. Elle peinait, mais elle continuait à monter. Tout en haut, le ciel bleu l’enveloppait, le soleil l’aveuglait et courbait ses épaules. Elle flottait dans l’air. De là-haut, elle pouvait voir partout, les paysages comme les gens qui – minuscules points dans ce vaste monde – vaquaient à leurs occupations. Elle voyait tout, mais elle ne trouvait pas Arlequin parmi eux. Découragée, triste, elle descendit de cette montagne si haute, si belle, si dorée, elle glissa, glissa le long de la pente. La montagne se mit à chanter doucement…

Elle se réveilla en sursaut, en pleurs, dans sa cage pleine d’étoiles et de fleurs bleues. Arlequin était là. Il avait réussi à trouver la clef de la serrure qui enfermait sa douce amie. Il ouvrit, la prit dans ses bras et la consola. Puis ils partirent loin, loin de la cage sur la montagne dorée où les fleurs bleues poussaient dans la terre et où les étoiles brillaient dans le ciel.

Droits réservés pour cette photo issue du site http://www.photo-fotos.com/

Animations écolières à Florac

Le thème imposé de ces jeux imaginés pour les classes de CP de l'école publique de Florac était celui du Moyen Age… Et comme le projet des institutrices était le jardin, nous avons allègrement conjugué les deux pour parler du jardin au Moyen Age.



Nous en avons vu des choses en l'espace de deux demi-journées : la forme des jardins, leur emplacement, leurs clôtures, les jardins des riches et ceux des paysans ; les plantes, les légumes et les fruits qui y poussaient ; qui les cultivait et comment on travaillait la terre, les baumes, les pommades, les onguents, les philtres, et toutes mixtures fabriqués par l’apothicaire… Mais celle et ceux qui nous ont tous réjouis furent bien sûr la sorcière et tous ces jardiniers fantasques qui tentent de semer des mots…






La potion de la sorcière

La sorcière part au marché
Acheter du chèvrebier
Qu’elle met dans son panier.
Elle ajoute du jus de crevette
Et un peu de pissenlette
Du poisson pourri,
De la poudre de souris,
Un œil de crapaud,
Un demi-litre de menlicot
Quelques dents de chauve-souris,
Deux oreilles d’âne
Une pointe de chouriane
Une patte de girafe et une queue de rat
Des poils de chien, du serpent séché
Sans oublier des crottes de nez.

Elle utilise cette recette pour empoisonner ceux qui l’embêtent !
Selon les cas, elle ajoute de la bave de crapaud, et hop ! le prince disparaît ; du jus de grenouille, et elle transforme le crocodile en oiseau ; une aile de chauve-souris… et elle se trouve un amoureux.




Un jardinier vraiment grognon
Dans son jardin sema le mot estragon
Que poussa-t-il des mots ou de l'estragon
Dans le jardin de ce pauvre ronchon ?

Un jardinier un peu pâlot
Dans son jardin sema le mot rose
Que poussa-t-il des roses ou des mots
Dans le jardin de cet homme morose ?

Les animations écolières dont il est question ici sont organisées à l'initiative de l'Education nationale, par une chargée de mission (Elizabeth Granier) en lien avec le Parc national des Cévennes.

Un abécédaire avec des CP



Bruit de pages



Ils ont aimé ça les petits CP de l'école publique de Florac, revoir l'abécédaire, en fin d'année dernière, sous une forme ludique et imagée ! Le projet était celui de deux institutrices qui ont fait appel aux Ateliers du déluge pour animer les jeux d'écriture, à un plasticien pour les travaux de land-art, et à l'association Kaméléon pour la fabrication d'un livre réunissant l'ensemble des travaux.



Pour être plus précise encore, ce projet s'inscrivait dans une manifestation initiée par la Bibliothèque départementale de prêt de la Lozère, "Bruit de pages" dont l'objectif est de diffuser la connaissance sur le territoire lozérien en allant à la rencontre du public. En travaillant avec les bibliothèques du département, aussi. La bibliothèque de Florac était donc partenaire de cette initiative. Pour cette première édition de Bruit de pages, la thématique proposée était celle de l'environnement.



Petite promenade dans l'imaginaire des enfants des classes de Isabelle Agulhon et Anne-Lyse Mazauric

G comme Greffe
L’arbre-musicien jouerait de la musique dans le vent
Le caillou-magicien transformerait en bonne terre tous les cailloux du jardin
La rivière-pompier éteindrait tous les feux
La feuille-pâtissière fabriquerait des mille-feuilles !

Z
ZZZZ… ZZZZ… Ce matin-là, Aziza, la petite abeille à la robe rayée jaune
et noire, sortit de la ruche pour butiner quelques fleurs. Assoiffée, elle but une goutte d’eau sur une feuille de maïs et se sentit mal. Un bourdon,
qui vit tomber la petite abeille, la rattrapa et prévint la colonie. Les abeilles décidèrent de quitter la ruche, et l’essaim s’envola vers un jardin biologique où les propriétaires n’utilisaient pas de pesticides. Comme les propriétaires avaient une ruche vide, celle-ci accueillit les abeilles de la colonie.

Celluloïd, le journal des détenus de la MA de Mende




Celluloïd, c'est le nom du journal des détenus de la maison d'arrêt de Mende, réalisé avec eux et pour eux, sous l'égide de l'ASDASC (cf. note) et bien sûr de la direction de la prison ainsi que du service d'insertion (SPIP).

Le journal bimestriel se fabrique en équipe, avec l'animation de différents ateliers : "Ecriture journalistique" par les Ateliers du déluge,"Maquette et mise en page" par Anne Aiou, "Illustrations" par Peter Weir, et la collaboration du professeur des écoles intervenant à la maison d'arrêt pour une rubrique particulièrement judicieuse "Le petit dico ou Les mots de la justice".

On ne trouve pas Celluloïd en kiosque, j'allais dire, évidemment, encore que… sa qualité n'a rien à envier à bien d'autres publications.

Comme le disait dans un édito le chef de service du SPIP, "on peut être détenu et avoir des idées, détenu et être créatif, détenu et s'intéresser au monde, détenu et être poète slameur…".

Marlen Sauvage
Note : ASDASC = Association de soutien et de développement de l'action socioculturelle et sportive.