mardi 12 août 2008

L'arbre aux pleurs, par Thierry Costa



©ZR
Le récit suivant s'inspire – sans y répondre ! – d'une suggestion d'écriture proposée pendant l'atelier du 4 août 2008, sur le sentier de la Roquette, à Molezon (48). Il s'agissait de réinventer un lieu existant et sa légende, à partir des noms de lieux traversés.

A chaque fois que je me perds dans les Cévennes le long d’un sentier couvert de genêts d’où j’entends parfois gronder un gardon ténébreux et fantasque, je me sens empli d’une sensation de bonheur, de légèreté et de bien-être. Alors que m’arriva-t-il ce jour-là quand, m’asseyant au pied d’un arbre, je fus saisi d’une telle nostalgie que, malgré moi, je me mis à fondre en larmes ?
C’était un très vieil arbre couvert de mousse qui semblait lancer ses branches mortes dans toutes les directions comme des bras décharnés appelant au secours. De retour au village, je demandais à un vieil homme comment s’appelait le sentier que j’avais suivi. Il me dit qu’il le connaissait depuis toujours sous le nom de « la sente de l’arbre aux pleurs » et me conta cette histoire incroyable.
C’était un sentier maudit, maudit pour les amoureux.
Il y a longtemps un couple d’amoureux emprunta ce sentier. Arrivés devant cet arbre qui offrait à l’époque une ombre fraîche et généreuse, ils décidèrent de graver sur le tronc, dans un cœur, les initiales de leurs deux prénoms : T, pour Théophile ; F, pour Fernande.
Théophile se saisit d’un morceau de schiste bien aiguisé et commença une première entaille. Aussitôt, l’arbre se mit à saigner, à saigner d’un rouge bouillonnant. Les branches soudain s’affaissèrent et les fruits tombèrent les uns après les autres.
Les deux amants furent pris de panique et voulurent s’enfuir mais les branches se mirent à s’agiter dans tous les sens, les empêchant de s’évader.
Soudain une branche se détendit brusquement et propulsa Fernande dans le vide. On la retrouva plus tard, flottant dans une gorge du gardon en contrebas, le crâne fracassé. Théophile fut alors emprisonné dans un entrelacs de branches qui l’emportèrent au sommet de l’arbre où il resta pendu, pleurant et suppliant, pendant dix jours et dix nuits, avant d’être dévoré par les fourmis et les corbeaux.
Depuis, par certaines nuits sombres, on croit encore entendre les supplications et les râles venus de la sente de l’arbre aux pleurs, et plus jamais aucun amoureux n’a osé emprunter le sentier maudit.

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