mardi 12 août 2008

Thérèse, par Cathy Vagnon


©JL62

C’est moi qui ai tué Thérèse, la petite Thérèse aux cheveux d’or, si belle, si douce… C’est moi, je l’avoue. Quand vous trouverez cette lettre, je serai mort à mon tour et je la rejoindrai enfin, enfin…
Je revois cette nuit chaude, le ciel, un vrai champ d’étoiles, les compagnons, les Camisards avançant en silence sur le sentier de la Roquette vers le château de la Devèze pour y mettre le feu. On ne les aimait pas, c’est sûr, ces gens qui nous en mettaient plein les yeux, ces Catholiques, ces gens venus d’ailleurs pour nous faire suer et travailler comme des bêtes, mais parmi eux il y avait une fleur, ma petite fleur des Cévennes, ma source, ma joie, elle, Thérèse la catholique.
Thérèse allait partir, ça se savait dans la vallée. Tout se sait ici, et moi je restais.
Thérèse allait se marier et c’était ce soir-là qu’elle avait choisi à cause de la clarté des étoiles. C’était trop dur, je ne pouvais l’imaginer dans les bras d’un autre, alors sur le sentier de la Roquette, j’ai laissé mes compagnons passer devant, j’ai attendu. Au loin des cris, puis les flammes, des coups de feu, l’enfer, et je l’ai vue, elle, une apparition sous les étoiles en feu, ses bras croisés retenant son trésor. La blancheur des draps, brodés depuis tant d’hivers. Elle était sauve, immaculée, elle m’a souri, je ne voulais pas laisser s’envoler la colombe, mes mains ne semblaient plus m’appartenir. Je vois son peitt corps si frêle, son cou… J’ai serré, serré, le ciel s’est obscurci.
Alors j’ai porté son corps sans vie près du petit puits, le feu n’allait pas tarder à la rattraper, et je me suis senfui.
De trop d’amour, je l’ai tuée lâchement, laissant porter la faute à mes compagnons.
Que le dieu de Thérèse me pardonne et que le mien m’accompagne.
Signé : Jean des Tourelles.

++++++++++++++++++++++++++++++++++++

Un ancien parle

On a dit que Jean des Tourelles avait tué la petite Thérèse, mais tout ça c’est des histoires.
C’est rien qu’une affaire de gros sous. Les parents de la petite Thérèse étaient catholiques, ça on le sait, mais ils étaient surtout très riches et par ici, ça plaisait pas bien ces gens de la haute. En plus, elle allait se marier bientôt avec le Raoul de Molezon qui, lui, tout le monde le savait, était un protestant qui s’était nouvellement converti au catholicisme, et ça, ça mettait en colère bien des gens. Alors les Camisards y ont voulu faire un exemple, des fois que d’autres y aient la même idée, y ont choisi la Thérèse, la pauvre petite môme. Ils savaient que la Thérèse allait partir la nuit du 7 juillet avec sa dot qui comme vous vous en doutez était plutôt bien garnie.
Les Camisards ce soir-là ont mis le château à feu et à sang pour couvrir le crime de la Thérèse et ces salauds se sont partagé la dot. Et c’est Jean des Tourelles qu’avait été choisi pour cette sale besogne. On a retrouvé le corps de Thérèse à moitié calciné près du vieux puits, mais sa dot avait bel et bien disparu.

Aucun commentaire: