mercredi 26 août 2009

La chapelle, Liliane Paffoni

Mon origine se perd dans la nuit des temps... Je suis si vieille que ma mémoire défaillante ne peut plus vous dire pour quelles raisons des mains noueuses, des mains robustes ont, un jour, mis bout à bout les pierres du Causse pour me faire naître. Je conserve dans mes veines la chaleur des étés torrides, le froid mordant des hivers sans fin, le vent glacial des automnes. Ma beauté est pure et simple : pas de fioritures superflues ni de lignes sophistiquées. Je vis avec mes souvenirs, mes joies, mes blessures, mes peurs aussi...

Qui a inventé cette expression si peu adaptée à ma vie: avoir un cœur de pierre?

Je saigne et je pleure quand on perce ma porte : c'est une opération à cœur ouvert. Je frissonne de plaisir quand des mains douces ou rugueuses caressent mes flancs pour sentir vivre sous leur peau mon cœur qui bat. Je me réchauffe quand le soleil darde ses rayons à travers ma rosace colorée. Je tremble et j'ai peur quand le feu tourne autour de moi comme une bête féroce qui ne veut pas lâcher sa proie. Je donne la vie quand j'accueille dans mes entrailles deux minuscules graines d'épilobes en épi qui croissent entre les lauzes de mon toit. Je suis même un peu coquette. J'aime quand on me rend plus belle et que je retrouve mon éclat perdu à cause du temps et des intempéries. Mes rides disparaissent. C'est dommage que je ne sois pas sollicitée pour que je donne mon avis. Je n'aime pas du tout, mais pas du tout, le grillage posé sur un de mes modestes vitraux. Pourquoi?



Causse Méjean, 30 juillet 2009, balade "Mémoires de pierres".
Photos : M. Sauvage

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